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Galibot à 8 ans !

Posté par Le Lensois Normand le 28 avril 2011

   L’exploitation du charbon débute dans le nord de la France au milieu du 18ème siècle : la première compagnie, celle d’Anzin, est créée en 1757. L’exploitation des enfants dans les mines débute donc à la même date : on les appelle ‘Les Galibots’, mot du patois picard ‘galibier’ qui veut dire ‘polisson’.

  Leur petite taille leur permet de se glisser dans les galeries les plus étroites. Ils y poussent des berlines remplis de charbon.

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  Ils subissent les mêmes risques que les adultes, parfois dès l’âge de six ans. A Béthune, en 1861, un accident dans la mine fait dix-huit morts dont sept enfants.

  Il faut attendre 1810 pour voir une première loi sur les concessions minières sans mettre fin toutefois à l’exploitation totale du monde ouvrier et de l’enfance: à cette époque, il n’était pas rare de trouver des gamins de 8 ans au fond !

  Ce n’est que le 3 mars 1813 qu’une première loi limite un tout petit peu le travail des enfants : elle interdit ceux de moins de 10 ans à travailler au fond ! Les autres, pour un salaire de misère, effectuent de petites tâches comme porter des lampes, des seaux, s’occuper des chevaux, etc …

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   S’offusquer du travail des enfants n’est pas envisageable à l’époque. En 1835, le médecin aristocrate Louis René Villermé, auteur d’une vaste enquête où les préjugés de l’époque sont très apparents, relate que le travail des enfants est une « nécessité absolue » qui ne saurait être remise en cause sous le principe «qu’il vaut mieux, sous le rapport moral, employer des enfants dans les industries plutôt que de les laisser vagabonder toute la journée sur la voie publique».

  Il faut attendre ensuite le milieu du 19ème siècle et le développement des Compagnies et du travail de mineur pour voir enfin de nouvelles évolutions.

  En 1841, en application de la loi Guizot, les enfants de 8 à 12 ans ne devront pas faire de journée supérieure à 8 heures six fois par semaine; ceux de 12 à 16 ans : pas plus de 12 heures avec un repos la semaine mais pas forcément le dimanche! Et il est interdit de faire travailler des enfants de moins de 13 ans la nuit. Mais, sans contrôle des autorités, les infractions sont fréquentes.

  Autre modification quelques années plus tard : en 1874, 12 ans devient l’âge minimum pour travailler. À partir de cet âge, le temps de travail imposé est de six heures puis 12 heures entre 13 et 16 ; le travail de nuit est interdit jusqu’à 16 ans.

  La loi précise alors qu’un organisme de contrôle de son application est créé au grand dam des patrons et des dirigeants des Compagnies Minières.

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  En 1893, Jules Ferry fait voter la loi instituant la scolarité obligatoire et gratuite jusque 13 ans. Une dérogation est accordée aux enfants qui obtiennent leur Certificat d’Étude à 12 ans. Jusqu’à 13 ans, la durée journalière de travail est de 10 heures plus une heure de repos ; A partir de 16 ans, c’est 60 heures par semaine (dont un jour de repos). Et un certificat d’aptitude physique devient nécessaire.

  Après la catastrophe des Mines de Courrières en 1906 et les grèves qui ont suivi, l’emploi des galibots n’est pris en compte dans les revendications syndicales que sur le plan salarial. C’est ainsi qu’ils obtiendrons 20% d’augmentation (moins de 2 francs par jour contre 6,80 en moyenne pour un adulte). Les mineurs ne peuvent envisagé autre chose pour leur gamin que de travailler à la mine : c’est là l’assurance d’un autre salaire dans le foyer, même s’il est misérable.

  A cette période, pour «avoir le privilège» d’être embauché à 12 ans, il faut avoir le Certificat d’Études Primaires. Sinon, l’âge minimum est repoussé d’un an. Maurice Dhédin dit à propos de son père, embauché en 1925 : ‘Mon père travaillait pour la société des mines de Lens, au temps de la reconstruction. Il avait tout juste treize ans quand il a été embauché, comme « galibot », ce qui le dispensait du Certificat d’Études Primaires, comme l’indique son livret individuel, délivré par Emile Basly le 15 mai 1925.’.

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   Le galibot est bien entouré par les anciens. Dans son livre ‘Mineur de fond’, Auguste Viseux dit :’ On le confiait à un bon ouvrier qui le cueillait à la cage de descente et remontait avec lui à la fin du poste’.

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  Pour les Compagnies, pouvoir travailler dès 12 ans est un privilège qui n’est accordé qu’aux enfants dont le père est très bien noté. En 1936, elles voient d’un mauvais œil la scolarité obligatoire jusque 14 ans. Ce serait un nouveau coup dur après les décisions sociales du Front Populaire ‘qui leur coûte cher’ (congés payés, semaine de 40 heures…). C’est pourtant ce que décide le gouvernement de Léon Blum avec la loi ‘Jean Zay’.

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Jean Zay

 Le galibot est souvent embauché au triage du charbon avant de pouvoir ‘descendre’ quelques temps plus tard lorsque sa corpulence le permet.

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  Augustin Viseux raconte que son premier travail au fond fut de seconder le ‘meneux d’quevaux’.

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   En 1946, c’est la nationalisation. Les HBNPC développent des Centres de Formation. Le jeune peut préparer son apprentissage dès 14 ans mais il n’apprend que la théorie et s’entraîne dans les mines-images. Des Centres de Formation sont créés comme celui de Lens (Voir ici).

  La dernière législation est votée en 1959 : elle fixe la scolarité obligatoire jusqu’à 16 ans mais seulement à partir de 1967. L’apprentissage commence ensuite ou est effectué en alternance. Le futur mineur ne descendra que lorsque sa formation sera terminée.

  1757-1967 : il a quand même fallu attendre plus de 200 ans pour qu’en France le travail d’un enfant de moins de 16 ans dans les Mines ne soit définitivement interdit par une loi !

  Et ailleurs dans le monde ?

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Publié dans Histoire, La Mine, Lens, Les Mineurs | 3 Commentaires »

 

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