C’est un ami, Christian de Liévin qui m’a fait parvenir une photo-montage parue dans «Lens Info Métropole» montrant ce que sera le quartier des gares dans quelque temps. Il m’est alors venu à l’idée de raconter l’histoire de la place que nous appelions «Place de la Gare» encore bien après que la municipalité lui ai donné le nom de Place du Général De Gaule en 1972. Cet article ne concerne pas la gare elle-même sur laquelle de nombreux documents existent mais les immeubles et commerces situés face à elle.
Très peu de documents montrent et parlent de la Place de la Gare avant 1914. Cette première photo a été prise à la fin des années 1800 (la gare fut mise en servie en 1860). Orientée vers de la Rue de la Gare, on y voit une partie de l’hôtel «Danez-Logier dit Dartois» mitoyen avec le café-restaurant du Chemin de Fer du Nord. De l’autre côté de la rue, un autre hôtel qui s’appelait déjà «Hôtel de Flandre».
Du même endroit est prise cette vue mais dans un autre angle. En plus des commerces déjà cités, on y voit le grand bâtiment qu’était l’Hôtel du Commerce. Sur la gauche, la voie ferrée par laquelle le tortillard Lens-Frévent revient à son point de départ, la gare des Chemins de Fer du Nord, par la rue Thiers.
Cette autre vue doit datée de peu de temps avant la première guerre mondiale : quelques taxis attendent les voyageurs alors que l’Hôtel-Restaurant Guéant-Tabary pris la place de celui des Chemins de Fer.
A cette époque, la place de la Gare était beaucoup moins large qu’aujourd’hui comme le montre ces deux plans. Avant 1914, on lui donnait même le nom de Cour des Voyageurs.
Lors de la reconstruction de la ville, la rue Thiers (Jean Létienne aujourd’hui) ne commençait qu’à la hauteur de la rue de la Paix. La place de la gare avait donc pratiquement triplé sa surface.
Comme l’ensemble de la ville, la place de la gare a été entièrement détruite pendant la première guerre mondiale. Ce n’était qu’un amas de ruines.
Dès leur retour dans leur ville, les lensois se mirent au travail pour la reconstruire. Ce fut d’abord des constructions provisoires qui sortirent de terre face à la gare elle aussi provisoire.
Puis de grandes bâtisses apparurent. On y construisit essentiellement de quoi nourrir, abreuver et loger les voyageurs. Sur cette vue des années 20, les superbes hôtels de style flamand ont vu le jour mais la Place n’est pas encore pavée. On y voit les cinq grands hôtels : (de droite à gauche) , Le Grand Hôtel et son restaurant, l’Hôtel de la Gare, l’Hôtel de la Paix, l’Hôtel Caron et l’Hôtel Central.
La vue suivante est prise sous un autre angle : la place est maintenant pavée mais le Cinéma Apollo n’est pas encore sorti de terre.
Sur la photo suivante (vers 1927), le Grand Hôtel semble fermé. De l’autre côté de la rue, l’hôtel de Flandre appartenant toujours à M. Bexant, est en travaux.
Peu de temps après, le Grand Hôtel est devenu le Royal Hôtel, des travaux d’électrification de la place sont en cours comme le montrent ces poteaux sur la droite.
Autre vue dans un nouvel angle : on peut admirer la superbe architecture des bâtiments de l’époque.
La photo suivant a été prise un peu plus tard : à l’angle de la rue de la Gare, l’hôtel de France a remplacé le Royal Hôtel et les travaux de l’hôtel des Flandres sont terminés.
L’Apollo aussi a été construit (1935). Son style ‘art-déco’, bien que différent du reste, voisine bien les immeubles et leur style flamand. A sa droite, la pâtisserie Gallet existe déjà. Les premiers bus sont arrivés sur la place et l’automoteur du tortillard est prêt à partir en direction de Liévin.
Au milieu de la place, entre l’hôtel Caron et l’Apollo se trouvait dans les années 30 l’Hôtel «Au Central» de Monsieur Delobel et une ouverture dans le bâtiment permettait d’accéder au Garage des Sports de Monsieur Desprest.
1939 : C’est de nouveau la guerre. Lens sera de nouveau bombardé. La gare est visée et les hôtels qui lui font face ont souffert mais en moindre importance que d’autres quartiers de la ville. Le Caron et le Central n’ont plus de toiture. La kommandantour s’est installée à l’Hôtel de la Gare.
Lors de travaux de reconstruction, il fallait aller vite. Fini l’art flamand, on le remplace par des cubes et du béton. A noter, tout à gauche de la place, à l’angle de la rue de la Paix, le Café de Monsieur Jongheryck, ‘Le Rendez-vous des Cheminots’ est mitoyen avec la ‘Librairie de la Gare’ de M. Roussel qui elle-même se trouve au rez-de-chaussée de l’hôtel du même nom. On distingue aussi l’énorme bâtiment qui abrite la salle de cinéma de l’Apollo.
Autre photo des années 50/60 : la circulation a bien augmentée, devant l’entrée de garage de l’hôtel de la Paix se trouve un panneau ‘judo’ : un club se serait installé à cet endroit ?
Un peu plus tard, la pharmacie de la gare est ouverte près de l’hôtel Caron et la café-hôtel ‘Le Condé’ de Monsieur Wardavoir a remplacé l’hôtel de la Paix.
Les deux vues suivantes montrent la Place de la Gare photographiée du même endroit, certainement d’une des fenêtres de l’hôtel de Flandre. Les bus des nombreuses compagnies attendent les voyageurs sur la place. L’hôtel de la Gare a changé d’enseigne et s’appelle ‘Chez Yolande’. Il voisine ‘Le Condé’ qui a remplacé l’hôtel de la Paix. Devant l’Apollo, la foule est nombreuse. Est ce l’heure de la séance de ‘matinée’ ?
En janvier 1973, les bus quittent la place pour la gare routière qui vient d’être inaugurée, la place se transforme en parking.
Petit à petit, les commerces changent de nom ou de destination. Au début des années 2000, dans les locaux de l’ancien hôtel de la gare, l’enseigne ‘Chez Yolande’ a été remplacée par ‘Le Chanzy’. ‘Lens-Frites’ a pris la place du Condé, le café ‘Au Bureau’ a replacé l’hôtel Central. Le plus que centenaire Hôtel de Flandre est devenu le ‘café-hôtel La Galerie’ et ne fait plus restaurant mais de la vente à emporter.
Plus à l’ouest, le Rendez-Vous des Cheminots est devenu une brasserie. Signe des temps : le remplaçant de la pâtisserie Gallet fait de la restauration rapide et un Kebab s’est installé dans le hall de l’Apollo.
A l’aube du 21ème siècle, la place est pratiquement redevenue ce qu’elle était 100 ans auparavant : un espace piétonnier. La municipalité veut moderniser ce lieu et en faire un pool immobilier et commercial important en vue de l’arrivée du Louvre-Lens. Mais un architecte des bâtiments de France met des bâtons dans les roues et suscite la colère de Monsieur Delcourt.
Finalement, un accord est trouvé : seule la façade de l’ancien cinéma sera conservée. Derrière : l’immense espace vide laissé par le bâtiment. La place se vide peu à peu de ses commerçants. Le ‘Caron’, vieux de près de 100 ans est aussi fermé. Un panneau publicitaire en cache la façade.
C’est dans le bulletin ‘Lens-Info Métropole’ que l’on découvre ce que sera la Place du Général de Gaule en 2013. C’est le groupe Nacarat (issu en 2009 de l’association entre le groupe Rabot-Dutilleul et le Crédit Agricole Nord) qui a été désigné pour construire cet ouvrage.