Quand Bollaert n’était pas Bollaert
Posté par Le Lensois Normand le 12 février 2014
Le 6 novembre 1929, la Société des Mines de Lens devient propriétaire de la totalité d’un terrain de treize hectares soixante dix-huit limité par la voie ferrée de Lens à Dunkerque, les carreaux des fosses 1 et 9 et la route de Béthune.
L’idée de Félix Bollaert, le président du conseil d’administration de la compagnie est de faire de cet espace un lieu d’activités de plein air pour les familles des mineurs. La politique de la compagnie est d’encadrer au mieux les loisirs de ses ouvriers afin que leur attention ne soit pas toujours occupée par des idées revendicatives.
Au début des années trente, la lutte que se livrent la compagnie et le syndicat des mineurs est intense. Ce dernier est depuis le début du siècle à la tête de la ville. Emile Basly puis Alfred Maës, deux anciens mineurs, leaders du puissant syndicat occupent le fauteuil de maire et sont députés de la circonscription.
Pour marquer sa puissance, la Société des Mines de Lens, propriétaire de la grande majorité des terrains autour du centre-ville, s’est établie aux portes de la cité. Sa reconstruction après les dégâts occasionnés par la Première Guerre Mondiale est maintenant terminée. Les Grands Bureaux, sièges de la direction et des services administratifs, fonctionnent dès 1929. La compagnie possède son propre réseau ferroviaire, ses propres quais de manutention le long du canal, ses propres usines électriques, sa propre gare. Pour les familles de mineurs, elle dispose de logements bien sur mais aussi d’écoles, de centres ménagers, de coopératives, de salle des fêtes, de stades et même d’églises.
Afin d’asseoir définitivement son indépendance vis-à-vis de la ville et de ses élus socialistes, il ne lui manque qu’un grand complexe sportif. En outre, ses dirigeants ne sont pas insensibles à la notoriété naissante de l’excellent club régional qu’est le Racing Club Lensois.
Depuis 1924, la compagnie a créé son club, la Section d’Education Physique de la Compagnie des Mines de Lens dont le siège social se trouve aux Grands Bureaux. Mais cette association, dont le secrétaire est l’ingénieur Dubouchet, n’a pas la notoriété du RCL. Elle deviendra omnisport quelques années plus tard en s’associant avec ‘Gwiada’ sous le nom de l‘AS Lens … et la section ‘football’ devra quitter le stade des Mines pour celui de la cité de la fosse14.
Car ce qu’on appelle aujourd’hui le stade Bollaert-Delelis n’a pas été édifié pour le RCL. En 1930, lorsque débute la construction du stade, le plus important club de football de la ville évolue en division d’honneur régionale. C’est un bon club amateur qui fut créé au début du siècle par des commerçants lensois afin d’offrir des structures à leurs lycéens ou étudiants de fils. Ses deux derniers présidents, René Moglia et Georges Renoult sont bonnetier et importateur de café à Lens.
Les rencontres se déroulent au stade de l’Est, à l’extrémité de l’Avenue Raoul Briquet dont la rénovation vient de se terminer. Il le partage avec le club municipal de l’USOL (Union Sportive et Ouvrière de Lens). Un autre stade sera construit par la ville à partir de 1933 sur l’Avenue de Liévin (qui deviendra Avenue Alfred Maës). Il disposera d’un vélodrome et sera mis à la disposition des ‘sociétés bénéficiant de l’aide de la municipalité’ et des enfants des écoles communales.
Cette municipalité aide le Racing Club Lensois. Une subvention annuelle lui est allouée et il bénéficie de la gratuité de l’utilisation du stade Raoul Briquet pour les rencontres de l’équipe fanion mais aussi pour les entraînements et les matches d’équipes de jeunes. En 1931, alors que le stade des Mines est en construction, le RCL fête ses vingt-cinq ans à la mairie de Lens où joueurs et dirigeants sont reçus par Alfred Maës et tous les élus. Un banquet de cent cinquante personnes parmi lesquelles on ne voit aucun des dirigeants de la société minière est offert dans la salle de l’Alambra. Il n’est pas envisageable à cette époque que ce club devienne un jour professionnel sous la houlette de la compagnie.
En ce début des années trente, Félix Bollaert et Ernest Cuvelette, Agent Général de la Société des Mines de Lens, adoptent les plans proposés par l’Ingénieur de la compagnie, Auguste Hanicotte. La construction du stade peut commencer. La compagnie ressent les effets de la crise de 1929 : la vente du charbon s’est considérablement ralentie. Mais la Société des Mines de Lens reste une des plus riches entreprises de France. Ce qui est produit ne sert qu’à constituer des stocks pour les jours meilleurs et de nombreux mineurs sont mis au chômage. Plusieurs grèves son déclenchées dans le bassin minier.
Félix Bollaert prend alors la décision de faire construire le stade par ses ouvriers de la fosse 5 dont l’activité est totalement arrêtée. Ils sont ainsi cent quatre-vingt à rejoindre tous les jours le site de construction.
En 1933, cet immense complexe sportif est terminé. Il comporte un terrain principal engazonné entourée d’une piste d’athlétisme en terre battue et de deux zones de lancer et de saut. En allant vers la pépinière (site du jardin public actuel), on trouve un terrain de football et deux terrains de basket. Du côté de la cité minière du 9, une perche pour la pratique du tir à l’arc a été installée sur un terrain aménagé. Le tout est situé dans un site boisé où peut se pratiquer le cross-country. L’accès au stade s’effectue par une rue percée en direction de l’Avenue de Liévin du coté du centre-ville et par un pont étroit qui surplombe les voies ferrées des mines reliant les différentes fosses du côté de la cité du 9 bis.
D’un côté du terrain principal, une tribune de six cents places assises a été édifiée. Tout autour de la pelouse, des gradins peuvent recevoir près de sept mille spectateurs dont deux cents d’entre eux sont abrités de la pluie grâce à deux petites tribunes du côté de la fosse 1.
Le terrain principal est appelé à recevoir les concours de gymnastique et d’athlétisme ainsi que les représentations de préparations militaires. Ainsi, les spectateurs peuvent apprécier les démonstrations de mouvements d’ensemble, les pyramides humaines, les défilés militaires ….
Le stade des Mines quelques années après son inauguration: la tribune d’honneur a été agrandie. En bas, la perche de tir à l’arc et les aires d’athlétisme encadrées par les lignes de chemin de fer (à droite celle des mines; à gauche, le ligne Lens-Dunkerque des Chemins de Fer du Nord). Derrière le stade principal, on aperçoit le terrain d’entraînement et les terrains de basket. A gauche, les installations de la fosse 1.
La Compagnie de Lens met aussi ses installations à la disposition des Sociétés Gymniques des cités minières comme l’Association Saint Edouard (cité 12), la Société Sante Barbe (cité 4) ou le cercle Saint Pierre (cité 11). Les écoles des cités viennent aussi y pratiquer le sport. Y sont organisés des camps de vacances pour les enfants des mineurs. Ce stade est, après les Grands Bureaux, l’un des symboles de la puissance de la compagnie.
Le 18 juin 1933 est le jour de l’inauguration du nouveau Stade des Mines de Lens.
L’annonce de la manifestation est parue dans la presse locale comme le Journal de Lens : ″Nos concitoyens auront l’avantage de visiter et d’admirer le magnifique et grandiose parc des sports, édifié par la Société des Mines de Lens au cœur même de la ville″.
Tout ne monde ne partage pas cette enthousiasme. La Tribune des Mineurs, le journal du syndicat, reproche en ces temps de crise financière ″des dépenses folles et inutiles pour ces vastes terrains de sport qui servent à l’occasion à faire des victimes en les laissant sur le pavé″. Félix Bollaert n’est pas du même avis : ″Notre jeunesse si nombreuse n’était pas à l’aise dans ses mouvements. Le stade qu’on inaugure aujourd’hui lui permettra de les perfectionner. ″
Dès le matin du 18 juin, des messes spéciales sont dites à l’église Saint Leger, à la chapelle Sainte Elisabeth et à l’église Saint Barbe de la cité de la fosse 4. A 11 heures, un concours musical au carrefour de des Grands Bureaux et dans la rue Bollaert.
Le midi, dans la des salles des fêtes des Grands bureaux est offert un banquet par la compagnie. C’est à 13 h 30 que les portes sont ouvertes au nombreux public. Beaucoup de spectateurs arrivent par la gare Sainte Elisabeth, la Société des Miens de Lens a mis en place de nombreux trains supplémentaires.
De nombreuses associations sportives dépendant des compagnies minières de la région sont invitées. Elles viennent de Barlin, Grenay, Billy-Montigny, Bruay, Meurchin, Loos-en-Gohelle, Liévin, Mazingarbe, etc. Des clubs ‘amis’ sont également présents comme le RC Arras ou le club de boxe de Calais. La qualité du spectacle est assurée avec la participation des champions du Bataillon de Joinville. On remarque aussi une forte délégation d’associations polonaises c’est pourquoi retentirent dans le stade, les hymnes nationaux français et polonais.
Après un défilé de cinq mille gymnastes autour du stade, peuvent commencer les démonstrations sportives accompagnées par l’harmonie des Mines de Lens et par la fanfare Saint-Amé : Courses de plat et de haies, le grimper à la corde, le saut en hauteur, à la perche, lancer du disque, du javelot et du marteau, le saut du cheval. De nombreux prix d’une valeur totale de 40000 francs sont offerts aux meilleurs. Les garçons et les filles des écoles des Mines de Lens font une démonstration de mouvements d’ensemble.
A 21h30 débute la seconde partie de la journée avec une fête de nuit. Des spectacles de danses et de ballets sont présentés sur trois podiums installés sur le terrain principal.
Mais aucun match de football n’est organisé lors de cette fête.
Pourtant, on ne peut imaginer que Félix Bollaert n’a pas une idée derrière la tête. Depuis deux ans, les clubs sont ‘autorisés à rémunérer leurs joueurs’. Certaines grandes entreprises, comme Peugeot à Sochaux, se sont lancées dans l’aventure du football professionnel. Au Racing Club Lensois, Jules Van den Weghe, fils du premier président du club, a remplacé Renoult.
En 1933, le nouveau président a inscrit le RCL comme prétendant au professionnalisme mais comme il s’y est pris trop tard, le club n’a pu être engagé dans le championnat national. Cela ne convient pas à tous, le journal socialiste ‘le Populaire’ écrit le 3 mars 1934 : ″La saison prochaine, le RC Lens, l’US Boulogne, le FC Dieppe et le Stade Malherbe de Caen accèderont au professionnalisme. Encore quatre qui n’ont rien compris″.
Le 10 mars 1934, une réunion est organisée entre les représentants de la Société des Mines et les dirigeants du club. La compagnie est prête à subventionner le club, à offrir à l’équipe première ses installations du Stade des Mines et à proposer à tous les joueurs professionnels un emploi dans la société. Les commerçants lensois acceptent à la condition de continuer à être partenaires. Jules Van den Weghe cède sa place de Président à Louis Brossard, un ingénieur de la Compagnie des Mines, le siège social du club est transféré dans les Grands Bureaux.
Le dimanche 26 août 1934, le Racing Club de Lens reçoit au Stade des Mines le Racing Club de Calais pour la première journée du championnat professionnel de deuxième division. Les deux équipes se quittent sur un match nul de deux buts partout. Les dessinateurs humoristiques d’alors peuvent se laisser aller à leur inspiration.
Le mariage entre le stade des Mines et le Racing est définitivement scellé. Le stade et le club vont devenir des éléments incontournables dans la besace de la compagnie qui n’hésite pas à démontrer que le RCL est maintenant ‘son’ club.
Les footballeurs de Lens et de Sochaux sont invités à visiter les galeries de la fosse 2
Mariage entre la société minière et le RCL donc mais le divorce entre le club et la ville est consommé. Alfred Maës, qui refusera toujours d’assister à un match de ‘l’équipe de la compagnie’ pour ne pas être accusé de connivence avec ses dirigeants, envoie un courrier au club dans lequel il lui demande de libérer le stade de l’Est de ses équipes de jeunes afin de donner la place à l’USOL, le club municipal. Plus aucune subvention, plus aucune aide ne sera apportée par la ville au RCL jusqu’au début des années cinquante et l’arrivée du Docteur Ernest Schaffner à la tête de la municipalité. Cela n’empêche pas que toutes les deux semaines, le dimanche après-midi, des milliers de gueules noires se passionnent pour leur équipe.
En 1934, après une victoire au stade des Mines contre l’équipe de Metz, un journaliste parisien écrit : ″Quel enthousiasme parmi cette rude population qui sait peiner toute la semaine mais veut aussi laisser libre court à son trop plein de vie le dimanche quand l’équipe chérie, l’équipe au maillot sang et or joue chez elle et marque de précieux points. On est comme ça dans le pays minier où le football et le cinéma ont tout détrôné. La foule quitta le stade pour rejoindre la cité minière, grouillante de vie, pleine d’une joie qui ne demandait qu’à s’éclater″.
Le 26 décembre 1936 à Paris, Félix Bollaert décède à l’âge de quatre-vingt un ans. En son honneur, la compagnie minière de Lens décide donner son nom au stade des Mines.
C’est alors que les termes ‘Stade Bollaert’ et ‘Sang et Or’ deviennent inséparables.
Un site formidable. Nous avons une action appelée Le RC Lens et ses Mineurs. Voici un lien qui vous montrera une des étapes de celle-ci.
http://www.red-bricks.fr/une-banderole-tous-ensemble-pour-rendre-hommage-aux-mineurs/
Je peux vous faire parvenir l’ensemble du programme de l’action si cela vous tente. Encore merci pour votre site.
Hervé
Bonjour, je recherche des renseignements et photos sur Henri KOPANIA – Entraîneur à AUCHEL et ensuite à DUNKERQUE; pourriez-vous m’aider ? Bien merci Cordialement Lyse
Bonjour, auriez-vous des photos sur un stade de foot qui était situé sur le Bd de la Paix à AUCHEL (Parc des Sports auparavant devenu Stade Vincent) ?
j’ai des bons souvenirs car je regardais les matchs avec mon papa de la fenêtre des chambres de la maison. Merci ! Cordialement Lyse