Le petit garçon à l’hôpital de Lens

Posté par Le Lensois Normand le 2 avril 2014

    La mémoire est une fonction du cerveau très compliquée. Pourquoi un souvenir stocké pendant des années ressurgit un jour à la simple vue d’un document, d’un objet ou d’une image ? C’est ce qui m’est arrivé il y a peu de temps. La découverte, au service des archives municipales de Lens de la photo d’une ancienne salle d’opération de l’hôpital Schaffner a fait revenir à la surface l’histoire totalement véridique ci-dessous.

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   Les années cinquante touchent à leur fin. Dans un coron de la cité de la fosse 14, un petit garçon a mal au ventre depuis plusieurs jours. Sa maman décide de faire quérir le médecin des mines.

   Le docteur Montagne arrive, son éternelle cigarette vissée au bec. La maman explique : ″Mal au ventre, vomissements, température…″.

   Le docteur fait allonger le garçon sur la table de la salle à manger et l’ausculte. Son verdict : ″Appendicite, opération, hospitalisation.″ Il s’assoit, allume une nouvelle cigarette et rempli les papiers.

   Quelques jours plus tard, le petit garçon est couché dans une chambre à deux lits de l’hôpital cher au Docteur Schaffner. Il n’a pas peur, il est plutôt impressionné par toutes ces personnes en blouse blanche qui s’occupent de lui. Dans le lit voisin, un autre garçon, un ‘vieux’ de treize ou quatorze ans qu’il connait de vue. Il doit être aussi de la ‘fosse 14’.

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   Le lendemain, deux hommes en blancs viennent chercher le petit garçon, le couche sur un chariot, le sangle, le conduisent à travers les couloirs de l’hôpital, prennent les ascenseurs.

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   Le petit garçon est installé dans une grande salle bizarre où on l’allonge sur une table. Une énorme lampe est allumée au dessus de lui et l’éblouit. Une dame lui parle gentiment, lui fait une piqure dans le bras. Au revoir…  il dort.

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   La suite, c’est sa maman qui lui a raconté beaucoup plus tard. Le jour de l’opération, dès l’heure du début des visites autorisées, elle arrive dans la chambre. Le lit du garçon est défait, les couvertures jetées de travers. Où est-il ? Elle interroge son voisin de lit. ″Ils l’ont repris, son cœur s’est arrêté de battre !″. La maman a les jambes coupées, elle s’effondre sur le lit !

   On vient vite la rassurer, le garçon va bien. Il a eu un problème au moment de se réveiller et est en salle de réanimation. Peu de temps après, il est de retour dans sa chambre et se demande pourquoi tant d’agitation et de larmes autour de lui. On ne saura jamais ce qui s’est passé. On apprendra plus tard qu’au moment de lui ouvrir le ventre, un cas urgent est arrivé et que son opération a été retardée de quelques heures. Est la cause du malaise ?

   Aujourd’hui, le petit garçon est devenu vieux mais quand il passe devant l’entrée de l’hôpital de Lens, sur la route de La Bassée, il se souvient qu’un jour ici, il a fait pleurer sa mère ……

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   C’était à Lens à la fin des années cinquante !

2 Réponses à “Le petit garçon à l’hôpital de Lens”

  1. Jeanne Pascale dit :

    Je ne peux lire une évocation de l’hôpital de Lens sans un serrement de coeur. Il y a une vingtaine d’années, ma mère, habitant Lens, fut atteinte de la maladie d’Alzheimer. Ma tante m’alerta, un peu tardivement, soit parce que la maladie ne fut diagnostiquée que lorsque l’état de ma mère fut très dégradé, soit parce que ma tante ne prit pas conscience de la rapidité de l’évolution. Lorsque je fis le voyage pour aller la voir, ma mère était hospitalisée dans le service de gériatrie et, lorsque je suis entrée dans la salle commune où elle se trouvait à mon arrivée, elle ne me reconnut pas… et moi non plus. Elle avait vieilli de 20 ans en quelques mois. D’une femme – mûre certes – mais présentant encore bien, avec ses cheveux roux ondulés, ses yeux verts, ses jambes au galbe parfait et sa taille fine, elle n’était plus qu’une petite vieille décharnée, repliée sur elle-même, ratatinée, la chevelure blanche en désordre, les yeux vides, incapable de se tenir debout… J’ai cru défaillir en la voyant et eut beaucoup de mal à retenir un cri de douleur et d’horreur mêlées. Je la fis aussitôt transporter en Provence, à quelques kilomètres de chez moi, dans une maison spécialisée, mais elle ne survécut que quelques mois. Voilà le souvenir que j’ai de l’hôpital de Lens. Excusez-moi de ce moment de tristesse.

  2. Comme je disais en préambule, ce petit article a fait ressurgir ce souvenir de votre mémoire. Tristes ou gais, les souvenirs sont les souvenirs et il faut en conserver un maximum pour que les générations futures sachent de où elles viennent. Merci Jeanne-Pascale de ce témoignage.

    Dernière publication sur Le lensois normand : C'est fini (pour le tome 1)

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