Avant de commencer cet article, je tiens à remercier deux personnes qui m’ont beaucoup aidé dans mes recherches : Martine Carpentier, fille d’Emile, employé aux TCL de 1957 à 1985 et Jean Pierre Lucas, ancien directeur de la Société dans laquelle il a passé plus de 40 ans. Merci aussi à Maurice Dhédin et Patrick Leleu (des Transports Jules Benoit) pour leur collaboration ainsi qu’au service des archives de la ville de Lens sans oublier Christian, toujours prêt à m’envoyer les photos de Lens que je lui demande.
En 1934, Monsieur Guilbault investissait dans quelques bus et traçait des itinéraires pour desservir des quartiers de Lens et des communes voisines au départ de la gare des Chemins de Fer du Nord.
Il devenait ainsi propriétaire de ces lignes et créait les Transports Guibault. Ceci explique pourquoi les anciens ont longtemps appelé les TCL, «les Guibault».
Sur cette photo de la Place de la gare d’avant la seconde guerre mondiale, on peut apercevoir sur la droite un bus jaune. Peut être s’agissait il d’un «Guibault».
En 1942, Louis Bauvin rachetait cette compagnie et la renommait : Les Transports en Commun Lensois (en abrégé TCL) étaient nés. Louis Bauvin était d’une famille de transporteurs puisque ses deux frères, Victor et Camille possédaient des entreprises de transport par camions.
Les TCL desservaient plusieurs lignes:
- Lens- La Bassée Salomé (par l’hôpital). Plus tard, cette ligne desservira la zone commerciale Lens 2.
- Lens-Libercourt par Harnes
- Lens-Carvin
- Carvin-Hénin Liétard (devenu Hénin-Beaumont)
- Carvin-Evin Malmaison
Sur cette photo de la place de la Gare, deux TCL côte à côte pour la ligne de Libercourt et un autre au fond pour La Bassée.
La ligne Lens-La Bassée, c’était notre ligne à nous, les habitants de la fosse 14. Notre arrêt de bus se situait au Café Carpentier. Pour aller au marché, en ville, au collège, presque tous les jours nous empruntions les TCL. Car pour nous, s’il n’y avait pas le bus, il ne restait que les pieds : pas de voiture à la maison ! L’arrêt de bus se situait sur la droite, au niveau de la voiture blanche, le Café Carpentier se situait où est la maison grise.
Nous connaissions par cœur l’intérieur des bus et leur odeur si particulière !
A cette époque, pour prendre le bus, il fallait, avant de s’installer, acheter son ticket au chauffeur. Celui ci utilisait alors cette ‘caisse enregistreuse portable’ pour imprimer le ticket :
Un ticket des TCL reconstitué d’après une photo transmise par Martine (l’impression était souvent moins nette que sur la photo) :
Ces machines ont été fabriquées à partir de 1950 par la société ALMEX implantée à Stockholm (Suède). Elles avaient l’avantage de posséder un double rouleau et servait donc autant à confectionner les tickets qu’à faire la comptabilité. Elles étaient surtout utilisées par les Chemins de Fer Allemands. ALMEX existe encore aujourd’hui et fabrique toujours des machines à confectionner des billets de transports en commun.
Le garage et les bureaux des TCL se trouvaient au n°8 de la Place de la République. Juste à côté se trouvaient les Transports Jules Benoit.
Les bus étaient garés dans un premier temps sur la place dans un alignement parfait.
Mais d’autres trouvaient place dans la cour de l’immeuble où ils étaient un peu à l’étroit.
Ces locaux possédaient des logements aux étages loués aux chauffeurs, C’est là qu’a habité la famille d’Emile Carpentier à qui sera consacré un chapitre spécial.
Depuis le début des années 90, cet immeuble est vide mais il reste toujours l’enseigne de la Société sur la devanture. La Ville de Lens envisagerait d’aménager ce secteur cependant, à ce jour, les locaux sont toujours propriété des descendants de Louis Bauvin.
Depuis la création de la Société, les bus étaient de couleur jaune. Il y eut des Renault, des Saviem, des Chaussons. Ici, M. Carpentier pose devant des bus des trois constructeurs :
Un Chausson
Un Renault
Un Saviem
Au tout début des années 70, M. Louis Bauvin décida d’aller acheter des bus d’occasion en Allemagne construits par l’Entreprise muniquoise «MAN». C’est au sein de cette entreprise qu’en 1897, un certain Rudolf Diesel inventa le moteur qui portera son nom. Les bus achetés par les TCL étaient bleu-ciel et blancs.
M. Bauvin trouvant cette couleur plus jolie et plus ‘commerciale’ que le jaune de l’époque, l’adopta définitivement, y compris pour ses autres bus comme ce Saviem :
C’est ainsi que l’on vit ces couleurs bleues et blanches circuler dans les rues de Lens :
Ou stationner dans ce qui deviendra la Gare Routière :
Chaque jour, les TCL assuraient aussi les transports scolaires de Michelet, Campan, Condorcet et des écoles privées et assuraient les ramassage des ouvriers mineurs se rendant dans leur fosse.
Les TCL, c’était aussi une agence de voyages qui proposait des excursions avec circuits à ses clients comme le démontre ce montage de dépliants publicitaires : L’Alsace, Les Alpes, les Pyrénées, etc, devenaient accessibles à tous le monde.
Ce qui donnait parfois l’occasion aux chauffeurs de poser devant leurs bus sur ces lieux de vacances.
Vers la fin des années 70, les TCL possédaient 68 bus. Le garage de la Place de la République devenait trop exiguë. C’est alors que fut utilisé pour le stationnement des autocars la «Fabrique». Se trouvant rue du Marais (rue du 19 Mars 1962 aujourd’hui), elle appartenait au père de Louis Bauvin qui y fabriquait de la chicorée. Il paraît que la ‘Chicorée Bauvin’ était célèbre à Lens dans la première moitié du 20ème siècle.
La cour de cette fabrique vit donc arriver les bus des TCL.
Des descendants de la famille Bauvin habitent toujours dans cette grande maison de briques aujourd’hui mais l’emplacement de garage a été remplacé par un immeuble.
En 1989, Monsieur Louis Bauvin quitte la Société et se retire dans sa maison à Givenchy. Il est remplacé par Monsieur Jean Louis Lucas. Celui ci n’est pas un inconnu puisqu’il est entré aux TCL en 1959. En 1983, il recevait, en compagnie d’Emile Carpentier entre-autres, la médaille du travail échelon argent en présence de Monsieur Delelis, Maire de Lens et Jean Claude Bois, Député.
En novembre 1989, les TCL deviennent une filiale de VIA-TRANSPORTS, le nouveau nom officiel est alors «TCL, Établissements de la STILL» suite à la création du service de transports intercommunaux par la communauté de communes de Lens-Liévin et dont la gestion est confiée à la STILL. VIA-Transports a également pris le contrôle de la Compagnie Westeel de Salaumines. Ci-dessous un car Westell roulant pour la STILL.
Après avoir envisager de déménager à la Cité Mongré et afin de regrouper ces deux entreprises, Monsieur Mariotte, Directeur de Via-TRANSPORTS s’adresse aux mairies de Lens et de Sallaumines pour obtenir un terrain à la limite de ces deux communes. La Ville de Lens est intéressée par ce projet qui mettra fin aux réclamations des riverains des rues du Marais et Etienne Dollet qui se plaignent de la pollution et du bruit occasionnés dès 4 heures du matin par les bus stationnés dans ce secteur.
Le Conseil Municipal donne son accord le 16 décembre 1993. Les 93 cars de Westell et les 20 des TCL rejoindrons donc cet emplacement. Le nouveau garage regroupera donc les 187 emplois issus des deux sociétés .
Au 1er janvier 1994, nouvelle appellation, la société s’appelle ‘TCL, Etablissement de Westeel’ : la fusion des deux filiales de Via-TRANSPORTS n’est toujours pas effective pour une question de différence du salaire horaire des chauffeurs dans les deux compagnies. Elles finirons par fusionner en 2002 et prendront le nom de ST2L Westeel comme l’indique ce bus.
C’est ainsi qu’après 60 ans à arpenter les rues artésiennes que se termine l’histoire des TCL. Mais ce nom restera longtemps dans les mémoires des lensois.