Le Concours des Bourses des Mines

Posté par Le Lensois Normand le 14 septembre 2011

  Les «Bourses des Mines» ont été créées en 1946 pour aider financièrement les enfants de mineurs a poursuivre leurs études comme il est mentionné dans l’article 31 du statut du mineur.

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 Pour en bénéficier, à la demande des parents, les meilleurs élèves quittant l’école primaire pour la sixième devaient réussir les épreuves du Concours National des Bourses des Mines.

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Les Grands Bureaux dans les années 50

  Au début des années 50, à Lens, le concours se déroulait dans les salles des Fêtes des Grands Bureaux. Chaque année, plus de 300 filles et garçons endimanchés et en âge de rejoindre le collège s’y retrouvaient dès 6 heures du matin pour plancher sur des sujets de français ou de mathématiques.

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Une salle avant l’épreuve (Photo Notre Mine – Juillet 1953)

  Après avoir fait l’appel des candidats, chacun devait s’asseoir à une place désignée, prendre son porte-plume et inscrire sur la copie posée sur son bureau de bois son nom, son adresse et son école. Puis il repliait l’angle de la copie et la collait afin de cacher ces informations.

  Les épreuves commencaient par la rédaction dont le sujet était parfois assez vaste :

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 Puis venaient les 75 minutes consacrées au calcul composé en général de deux problèmes qui avaient souvent rapport aux finances d’une ménagère, aux calculs métriques ou aux robinets qui fuyaient.

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  A 11h 30, c’était la pause. Tout le monde se dirigeait alors vers la grande salle impressionnante des Grands Bureaux pour y prendre le repas. Après quelques courtes escapades dans les jardins, il était 13h30, l’heure de retourner travailler. L’après midi commençait par la dictée et les questions. Après l’écriture du texte dicté par le surveillant de la classe, l’élève disposait de 45 minutes pour relire, corriger ses fautes et répondre aux questions en rapport avec le texte : analyses grammaticales, nature et fonction des prépositions, sens des mots et expressions. Voici cette épreuve en 1953 :

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  Puis on terminait par le «Compte-rendu de lecture» : un texte était lu trois fois par le surveillant puis le candidat disposait de 45 minutes pour le résumer et répondre à deux questions. Cette épreuve «fait appel à l’esprit d’attention et d’observation des nos candidats» écrivait alors le reporter de ‘Notre Mine’.

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  (Si cela vous dit,  maintenant que vous avez tous les sujets, essayez de repasser aujourd’hui ce concours …. Ou faîtes le passer à votre enfant s’il entre en sixième ! C’est un bon test pour se rendre compte de l’évolution de l’enseignement en plus d’un demi-siècle).

 Arrivait enfin 17h00 : cela faisait 11 heures que les élèves étaient sous pression. Il était temps de se dégourdir les jambes. Ceux qui habitaient dans les cités éloignées reprenaient l’autobus qui les avait transporté le matin.

  Pendant de temps, les copies étaient mises sous scellés et envoyées pour correction à un jury national siégeant à Paris.

  Dans les familles, on attendra avec espoir et crainte les résultats de ce concours car, pour beaucoup, cela signifiera qu’à la rentrée le candidat sera collégien ou galibot !

  Beaucoup de jeunes lensois se souviennent de ce grand moment d’angoisse. Je l’ai vécu en 1963 lorsque j’ai passé (avec succès) ce concours : nos parents nous mettaient la pression. Si on échouait, ce serait à la rentrée les cours supérieurs de l’école primaire et le Centre d’Apprentisage à 14 ans ! Le concours se déroulait alors dans les classes du Collège Michelet que je devais, heureusement, rejoindre quelques semaines plus tard.

  Car le concours n’était pas à la portée de tous : cet article de « Coup de Pic » (journal du groupe de Valenciennes) indique qu’en 1959 sur le territoire national, 2181 collègiens ont bénéficié des bourses des Mines en 1959 alors qu’à cet époque les Charbonnages de Frances comptaient près de 217 000 ouvriers et employés.

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  Curieusement aujourd’hui, les Bourses des Mines continuent à être allouées : depuis le 1er janvier 2008, l’ANGDM (Agence Nationale pour la Garantie des Droits des Mineurs) en assure la gestion (voir ici : http://www.angdm.fr/index.php?/fre/Prestations/Retraite-et-autres-prestations/Bourses-des-Mines ). Mais elles ne sont plus aujourd’hui tributaires d’un concours.
Certaines informations données dans cet article sont issues du journal «Notre Mine» de juillet 1953 que j’ai pu consulter au Service des Archives de la Ville de Lens.

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Au Régina, sur les traces des mineurs

Posté par Le Lensois Normand le 29 août 2011

  Je ne pouvais pas passer quelques jours sur les côtes du Pas de Calais sans m’arrêter à Berck et dormir une nuit à l’hôtel Régina, là où sont passées avant moi des centaines de familles de mineurs.

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L’hôtel Régina le 27 août 2001

  L’hôtel Régina, c’est toute une histoire à lui seul : des années 50 aux années 80, il faisait parti du patrimoine du pays minier. On le sent encore dès que l’on franchit la porte d’entrée.

  Ici, des mineurs sont passés, ici leurs traces subsistent.

 Certes, l’hôtel a changé, il s’est modernisé, c’est la logique des choses. Mais il conserve et conservera longtemps encore, j’espère, des traces sa vie d’antan. Celle que j’avais déjà eu l’occasion d’évoquer dans un précédent article ( http://lelensoisnormand.unblog.fr/2010/04/14/lhotel-regina-de-berck/ ).

 Dans le long couloir qui mène de la réception à la salle à manger, une galerie de photos rappellent l’opération ‘La Route des Mineurs’ du 12 juin dernier

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  Et dans le hall de l’ancienne entrée de l’hôtel, une exposition nous replonge dans les années 50. Une reproduction grandeur nature de trois mineurs jouant aux boules dans la cour de l’hôtel nous interpelle. L’un d’eux à la cigarette collée aux lèvres, du tabac brun, certainement roulé ! Comme celui qui devait enfumer la salle du bar lors des interminables parties de belote !

  Des panneaux présentent l’hôtel à cette époque, son personnel et relate son histoire. D’autres font découvrir aux novices ce qu’étaient les métiers de la mine.

  Mais c’est dans l’immense salle à manger que l’on ressent le plus les traces de nos anciens. La fresque murale n’est plus là, elle a été remplacée par des coquelicots. Il faut y aller prendre son petit déjeuner de bonne heure le matin, les jeunes clients dorment encore : cette heure là appartient aux gens qui ont toujours eu l’habitude de se lever tôt pour travailler. Les ouvriers ont aussi disparu, il ne reste que des retraités, en grande majorité des femmes seules, des veuves de mineur. On imagine aisément que la silicose y est pour quelque chose.

  On écoute et on se délecte, on replonge dans les années de notre jeunesse. L’accent du pays minier est obligatoire dans les conversations. Quelques mots du patois ch’ti aussi. Mis ce n’est pas ridicule, loin de là : ici, les phrases ne se terminent pas par ‘hein’. Ce n’est pas du patois de cinéma ! C’est le vrai langage des corons.

  Ici, on se dit ‘bonjour’, on se salue, on se parle. Les plus ‘alertes’ aident les moins valides : Aider, c’était le maître mot dans les corons !

  On imagine que ces hommes et ces femmes doivent avoir tant de choses à dire sur leur passé :  la vie dans les cités, les coups durs, les grèves et … les vacances à Berck ou à la Napoule !

  On les regarde : chaque visage nous fait penser à quelqu’un qu’on a connu : cette dame à notre ancienne voisine, cet homme au collègue de notre père, etc…

  On se dit que certainement, quelques uns de ces vieillards devaient avoir moins de vingt ans lors qu’ils ont vu le Régina pour la première fois. Ils devaient y être avec leurs parents ! Quelle fidélité ! Pas seulement à l’hôtel lui-même, mais à ce qu’il représente.

  Aucune tristesse ne transparait de leur visage, ils sont heureux d’être là, heureux de se retrouver entre ‘gens de la mine’….

  Alors, laissons les sans oublier de les saluer une dernière fois : ici, c’est chez eux …….

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Le Poste de Secours des Mines à Lens

Posté par Le Lensois Normand le 3 juin 2011

 Lors de la catastrophe des Mines de Courrières en 1906, il est apparu que les Compagnies du bassin Minier n’étaient pas équipées pour répondre à un tel événement : pas de Centre de Secours, pas d’équipement (on ne découvrit les premiers masques à gaz que lors de l’arrivée des sauveteurs allemands) et surtout pas de sauveteurs (ce sont de simples mineurs qui sont descendus les premiers pour porter secours à leurs collègues).

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Les sauveteurs français : les mains sont vides

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Les sauveteurs allemands : déjà mieux équipés

L’organisation laisse aussi à désirer : le règlement prévoit que ce sont les ingénieurs qui doivent prendre en cherche les opérations de sauvetage : il ne sont pas aguerris à cela. Un manque de coordination apparaît aussitôt car le même règlement ordonne à ces ingénieurs de rester à proximité de leur puits respectif et de s’occuper en priorité du sauvetage des installations.

Dès la nuit suivant la catastrophe, une «équipe d’ingénieurs de l’Etat» arrive et prend «en main» l’organisation des secours. Estimant que les conditions minimales de sécurité n’étaient pas remplies, ils ordonnèrent l’arrêt immédiat des descentes de sauveteurs.

Le lendemain, alors que ces messieurs de Paris voulurent organiser une table ronde pour faire le point de la situation, les ingénieurs et les mineurs locaux refusèrent et préférèrent continuer les secours plutôt que de palabrer. Cette opposition eut sa part de responsabilité dans l’ampleur des pertes humaines car les ingénieurs envoyés par l’État, piqués dans leur orgueil, adoptèrent des mesures qui furent parfois aberrantes comme fermer l’un des puits alors qu’ils ne pouvaient savoir s’il y restait des survivants !

On connait les conséquences de ce manque d’organisation et de matériel : 1100 morts et des centaines de blessés !

En conséquence de tout cela, les compagnies se regroupent pour fonder dès 1908 un poste central de secours basé près de la fosse 3 des Mines de Liévin dans le but d’assurer l’organisation de sauvetages en cas d’accident ou de catastrophe. On y forme aussi des équipes spécialisées de sauveteurs et on y étudie les risques dus au grisou et aux poussières.

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La fosse 3 des Mines de Liévin en 1912

Comble de malheurs : le 28 janvier 1907, alors qu’ils sont descendus dans une veine non exploitée à la fosse 3 de Liévin afin de chercher du gaz pour le futur poste central, trois agents de maîtrise sont victimes d’un coup de grisou et décèdent sur place. Ils avaient pour nom : Léopold Vaissière, Gabriel Pelvay et Pierre-Joseph Laurent.

Le 3 septembre 1912, les sauveteurs de Liévin interviennent à La Clarence où une explosion s’est produite au fond. Il y aura des dizaines de morts parmi lesquelles un sauveteur du poste central de Liévin : Abraham VITAL.

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Les sauveteurs de Liévin à Clarence

Détruit pendant la première guerre mondiale, Le poste de secours est reconstruit sur décision d’Ernest Cuvelette à Lens, rue du Bois (qui deviendra la rue Notre Dame de Lorette). Il n’a rien à voir avec la compagnie des pompiers des mines de Lens qui se situait dans l’ancienne ferme des mines, rue de la Perche (face à l’entrée des Grands Bureaux de la rue du Pôle Nord, aujourd’hui rue Souvraz).

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La rue Notre Dame de Lorette s’appelait alors rue du Bois

Plus exactement, il se situe sue la commune d’Eleu-Dit-Lauwette, mais juste en face de la résidence Sellier et à proximité de ce qui aurait dû être la fosse 3 de Lens dont le percement avait été arrêté vers 1860 suite à la découvertes de vestiges archéologiques.

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Plan de 1957 : le poste est juste en face de la ‘cité Chouard’ qui sera remplacée par la résidence Sellier

Le nouveau poste de secours est mis en chantier en 1919. On y amène de Liévin ce qui a pu être sauvé comme le banc d’essai qui sert à tester la résistance des câbles d’extraction.

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Le Poste de Secours

Le poste de secours est dirigé jusqu’en 1928 par Jacques Taffanel (l’inventeur des les arrêts-barrages contre les poussières qui furent d’ailleurs dénommés des taffanels) puis par Emmanuel Bertieaux jusqu’en 1962.

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MM. Taffanel et Bertieaux

Le Livre d’Alfred Bucquet, ‘Lens, son passé, ses houillères’ nous renseigne sur le poste de secours d’entre les deux guerres. En 1928 est créé un service spécial de surveillance des câbles…

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et en 1935 est installée une galerie de démonstration. Celle ci est formée d’un gros tube en acier de vingt mètres de long dans lequel on effectue des exercices afin de sensibiliser les surveillants et les boutefeux sur les dangers de la négligence.

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Dans de grandes salles sont rassemblés les sauveteurs pendant leur service. Ils entretiennent le matériel qui comprend :

  • 20 appareils respiratoires portatifs

  • 20 appareils protecteurs contre l’oxyde de carbone

  • d’autres appareils pour assurer la respiration artificielle

  • des masques à inhalation d’oxygène

  • 2 détecteurs d’oxyde de carbone

Pour la formation des sauveteurs, il existe une chambre à fumée où sont reproduites toutes les difficultés de circulation dans une veine sinistrée. Les ingénieurs instructeurs disposent de vitres pour suivre et conseillers les stagiaires.

Au nombre de 50, ces jeunes sauveteurs sont des mineurs volontaires, âgés de 25 à 50 ans et admis après une visite médicale. Pour faciliter la rapidité des secours, ils sont recrutés parmi les mineurs de la fosse 4 et habitent tous la cité. Sept hommes surveillent en permanence, nuit et jour, de petites lampes rouges reliées chacune à un puits.

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Une organisation stricte est mise en place :

  • si un accident est considéré «peu grave», les sauveteurs de la fosse concernée interviennent et le poste de secours fournit le matériel

  • si un accident est classé «grave», l’intervention du Poste de Secours est réclamée. Une sirène appelle les chauffeurs, mécaniciens d’appareils et sauveteurs à leur domicile. Cinq minutes plus tard, les voitures démarrent dans cet ordre :

    • 1°) Voiture de reconnaissance avec un mécanicien et le Directeur du Poste de secours

    • 2°) Voiture n° 1 : un mécanicien, l’Ingénieur d’astreinte et cinq sauveteurs

    • 3°) Voiture n° 2 : un chauffeur et douze sauveteurs. Cette voiture fera des aller-retours pour transporter autant de sauveteur qu’il en faudra.

A l’arrivé sur les lieux du sinistre, le Directeur évalue les besoins et le mécanicien prépare les cantonnements des sauveteurs qui resteront sur le carreau pendant toute la durée de l’opération.

Les sauveteurs du poste de secours de Lens sont intervenus souvent, notamment lors des catastrophes de Divion La Clarence en 1954 (10 décès), à Avion en 1965 (21 morts), la fosse 6 de Fouquières en 1966 (16 morts).

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L’une de leurs dernières intervention eut lieu à Liévin, à la Fosse 3 des Mines de Lens, cité Saint Amé où l’ont dénombra 42 victimes en décembre1974.

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Des sauveteurs à Liévin en 1974 (Photo La Voix du Nord)

Du poste de secours, de ce lieu d’où sont partis de nombreux sauveteurs porter secours à leurs collègues au péril de leur vie, il ne reste que les murs d’enceinte derrière lequel ont été bâtis des immeubles.

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Photos Google Earth

Et de la présence en ces lieux du poste de secours des mines du Pas-de-Calais, il ne reste que le Café des Sauveteurs et quelques souvenirs….

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Galibot à 8 ans !

Posté par Le Lensois Normand le 28 avril 2011

   L’exploitation du charbon débute dans le nord de la France au milieu du 18ème siècle : la première compagnie, celle d’Anzin, est créée en 1757. L’exploitation des enfants dans les mines débute donc à la même date : on les appelle ‘Les Galibots’, mot du patois picard ‘galibier’ qui veut dire ‘polisson’.

  Leur petite taille leur permet de se glisser dans les galeries les plus étroites. Ils y poussent des berlines remplis de charbon.

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  Ils subissent les mêmes risques que les adultes, parfois dès l’âge de six ans. A Béthune, en 1861, un accident dans la mine fait dix-huit morts dont sept enfants.

  Il faut attendre 1810 pour voir une première loi sur les concessions minières sans mettre fin toutefois à l’exploitation totale du monde ouvrier et de l’enfance: à cette époque, il n’était pas rare de trouver des gamins de 8 ans au fond !

  Ce n’est que le 3 mars 1813 qu’une première loi limite un tout petit peu le travail des enfants : elle interdit ceux de moins de 10 ans à travailler au fond ! Les autres, pour un salaire de misère, effectuent de petites tâches comme porter des lampes, des seaux, s’occuper des chevaux, etc …

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   S’offusquer du travail des enfants n’est pas envisageable à l’époque. En 1835, le médecin aristocrate Louis René Villermé, auteur d’une vaste enquête où les préjugés de l’époque sont très apparents, relate que le travail des enfants est une « nécessité absolue » qui ne saurait être remise en cause sous le principe «qu’il vaut mieux, sous le rapport moral, employer des enfants dans les industries plutôt que de les laisser vagabonder toute la journée sur la voie publique».

  Il faut attendre ensuite le milieu du 19ème siècle et le développement des Compagnies et du travail de mineur pour voir enfin de nouvelles évolutions.

  En 1841, en application de la loi Guizot, les enfants de 8 à 12 ans ne devront pas faire de journée supérieure à 8 heures six fois par semaine; ceux de 12 à 16 ans : pas plus de 12 heures avec un repos la semaine mais pas forcément le dimanche! Et il est interdit de faire travailler des enfants de moins de 13 ans la nuit. Mais, sans contrôle des autorités, les infractions sont fréquentes.

  Autre modification quelques années plus tard : en 1874, 12 ans devient l’âge minimum pour travailler. À partir de cet âge, le temps de travail imposé est de six heures puis 12 heures entre 13 et 16 ; le travail de nuit est interdit jusqu’à 16 ans.

  La loi précise alors qu’un organisme de contrôle de son application est créé au grand dam des patrons et des dirigeants des Compagnies Minières.

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  En 1893, Jules Ferry fait voter la loi instituant la scolarité obligatoire et gratuite jusque 13 ans. Une dérogation est accordée aux enfants qui obtiennent leur Certificat d’Étude à 12 ans. Jusqu’à 13 ans, la durée journalière de travail est de 10 heures plus une heure de repos ; A partir de 16 ans, c’est 60 heures par semaine (dont un jour de repos). Et un certificat d’aptitude physique devient nécessaire.

  Après la catastrophe des Mines de Courrières en 1906 et les grèves qui ont suivi, l’emploi des galibots n’est pris en compte dans les revendications syndicales que sur le plan salarial. C’est ainsi qu’ils obtiendrons 20% d’augmentation (moins de 2 francs par jour contre 6,80 en moyenne pour un adulte). Les mineurs ne peuvent envisagé autre chose pour leur gamin que de travailler à la mine : c’est là l’assurance d’un autre salaire dans le foyer, même s’il est misérable.

  A cette période, pour «avoir le privilège» d’être embauché à 12 ans, il faut avoir le Certificat d’Études Primaires. Sinon, l’âge minimum est repoussé d’un an. Maurice Dhédin dit à propos de son père, embauché en 1925 : ‘Mon père travaillait pour la société des mines de Lens, au temps de la reconstruction. Il avait tout juste treize ans quand il a été embauché, comme « galibot », ce qui le dispensait du Certificat d’Études Primaires, comme l’indique son livret individuel, délivré par Emile Basly le 15 mai 1925.’.

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   Le galibot est bien entouré par les anciens. Dans son livre ‘Mineur de fond’, Auguste Viseux dit :’ On le confiait à un bon ouvrier qui le cueillait à la cage de descente et remontait avec lui à la fin du poste’.

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  Pour les Compagnies, pouvoir travailler dès 12 ans est un privilège qui n’est accordé qu’aux enfants dont le père est très bien noté. En 1936, elles voient d’un mauvais œil la scolarité obligatoire jusque 14 ans. Ce serait un nouveau coup dur après les décisions sociales du Front Populaire ‘qui leur coûte cher’ (congés payés, semaine de 40 heures…). C’est pourtant ce que décide le gouvernement de Léon Blum avec la loi ‘Jean Zay’.

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Jean Zay

 Le galibot est souvent embauché au triage du charbon avant de pouvoir ‘descendre’ quelques temps plus tard lorsque sa corpulence le permet.

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  Augustin Viseux raconte que son premier travail au fond fut de seconder le ‘meneux d’quevaux’.

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   En 1946, c’est la nationalisation. Les HBNPC développent des Centres de Formation. Le jeune peut préparer son apprentissage dès 14 ans mais il n’apprend que la théorie et s’entraîne dans les mines-images. Des Centres de Formation sont créés comme celui de Lens (Voir ici).

  La dernière législation est votée en 1959 : elle fixe la scolarité obligatoire jusqu’à 16 ans mais seulement à partir de 1967. L’apprentissage commence ensuite ou est effectué en alternance. Le futur mineur ne descendra que lorsque sa formation sera terminée.

  1757-1967 : il a quand même fallu attendre plus de 200 ans pour qu’en France le travail d’un enfant de moins de 16 ans dans les Mines ne soit définitivement interdit par une loi !

  Et ailleurs dans le monde ?

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1922 : La Reconstruction des Mines de Lens

Posté par Le Lensois Normand le 19 avril 2011

   Le 12 mars 1922, Ernest Cuvelette (1869-1936), qui a succédé à Elie Reumaux comme Directeur Général des Mines de Lens, donne une conférence au Conservatoire National des Arts et Métiers sur l’avancement de la reconstruction de la compagnie. Les articles ci-dessous sont en partie tirés de cette conférence dont le compte rendu de l’époque m’a été prêté par Maurice Dhédin.

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Le Conseil d’Administration des Mines de Lens en 1922 :

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  Les dégats de la guerre 14-18:

  Alors que l’extraction du charbon est en pleine expansion, le premier conflit mondial éclate en 1914 et dès le 4 octobre, l’armée allemande occupe Lens. Elle ne repartira qu’en octobre 1918.

  Dès leur arrivée, les ennemis détruisent tous les puits d’extraction puis, les chevalets se situant pour la plupart sur la ligne de front, les fosses sont souvent exposées aux tirs de l’artillerie.

  En 1915, suite a une offensive britannique, la fosse 15 (à Loos-en-Gohelle) est reprise. C’est alors que, prétextant que les puits sont reliés entre-eux par les galeries, que les Allemands décident de les noyer.

  Comme tous les puits sont équipés de cuvelages, la tâche est facile pour eux : il suffit d’en détruire quelques uns pour inonder le tout. Après avoir démoli et jeté dans le puits tout le matériel de descente, ils lancent des explosifs jusqu’à ce que l’eau s’engouffre par une brèche ainsi obtenue.

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   Il ne reste plus ensuite qu’à surveiller la montée des eaux comme sur ce document allemand sur les rélevés de la fosse 9bis.

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  Le 4 octobre 1918, enfin repoussés par les forces alliées, les Allemands quittent un Lens dévasté, ruiné et totalement vidée de ses habitants. Tout n’est qu’amas de pierres, de débris. Quasiment aucun mur de maison ne tient encore debout.

  Sur les 8000 maisons des Mines d’avant 1914, 33 seulement pourront être réparées. Pour les autres, il faudra débarrasser les gravats et reconstruire pour loger les 18 500 mineurs qui se retrouvent sans logement.

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  Voici ce qui reste des corons de la Route de La Bassée :

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  Les Grands Bureaux et les ateliers de la rue Bollaert ne sont plus que tas de pierres :

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   Et les puits d’extraction méconnaissables sous les décombres :

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Les premiers travaux

  Sous la direction d’Ernest Cuvellette, les lensois, de retour d’exil, se mettent au travail. Sous la garantie de l’Etat, le Groupement des houillères sinistrées obtient sans peine de l’épargne française les deux milliards de francs nécessaires pour les premiers travaux. Installé à Lens dans une petite baraque en bois qui avait été le P.C. du maréchal Haig, Cuvelette dirige sur place les opérations, dont on imagine les difficultés : il fallait, dans un pays dévasté, sans maisons, avec des moyens de transport de fortune, réunir des équipes de travailleurs, les nourrir, les abriter, les encadrer, leur fournir outils et matériaux.

  La priorité pour le Compagnie est de rétablir la ligne de Chemin de Fer de Lens à Violaines afin de transporter le matériel nécessaire à la reconstruction et le personnel. A Lens, on construit la gare Sainte Élisabeth et des ouvrages d’art comme celui de la rue du Pôle Nord.

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  Des bâtiments provisoires remplacent les Grands Bureaux ou les Ateliers.

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  D’autres, comme la Salle des Fêtes de la Route de Béthune ne seront pas reconstruits.

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  Puis vint le déblaiement des fosses et des cités : 2 500 000 mètres cubes de gravats et 60 000 tonnes de métal sont ainsi dégagés.

  Ensuite, on s’occupe du sauvetage des fosses. Les galeries étant inondée, il est impossible de percer de nouveaux puits, sans colmater les cuvelages et vider l’eau.

  Le moyen utilisé est la cimentation des terrains autour des cuvelages. L’idée, de l’ingénieur Portier, est de colmater les voies d’eau souterraines en y introduisant du ciment. Le ciment s’accrochant aux parois des cassures les bouche peu à peu. Mais il ne faut pas envoyer trop de pression afin que le ciment n’aille pas dans le cuvelage qu’il risque de partiellement ou totalement boucher.

  Dans un rayon de 25 mètres autour du puits, une première série d’inspection est réalisée jusqu’aux terrains imperméables à environ 100 mètres de profondeur. Puis on descend encore de quelques mètres et on y introduit un lait de ciment.

  Cette photo représente un chantier de sondage et de cimentation :

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  A la fosse 11, par exemple, le colmatage comprend 24 sondages sur une longueur totale de 2548 mètres. On y découvre une importante voie d’eau à 60 mètres de profondeur; là où les Allemands avaient pratiqué deux grandes brèches. Le travail de colmatage du 11 dure deux mois et neuf jours.

  Quatorze puits de Lens et de Meurchin seront ainsi colmatés et nécessiteront 8000 tonnes de ciment.

Le dénoyage

  Certaines fosses creusées dans un sol sableux comme au 3 de Meurchin ou dans les craies trop argileuses comme aux fosses 9 et 10 de Lens ne pourront être totalement colmatées avec le procédé de la cimentation. Par les cassures du cuvelage, près de 1000 mètres cubes d’eau se déversent à l’heure.

  Il faut donc là utiliser pour le dénoyage d’immenses pompes capables d’aspirer plus de 2000 m3 à l’heure.

  Le dénoyage est exécuté, pour le compte de l’Etat, par la Société civile de dénoyage des houillères, fondée en janvier 1920 par Cuvelette. Il commence le 2 novembre 1920. Ces travaux avaient été anticipés pendant la guerre quand une Commission Technique dirigée par Ernest Cuvelette avait été constituée par les Compagnies; cette commission décida l’achat de 42 pompes capables d’aspirer jusqu’à 400 mètres de profondeur.

  Ci dessous une pompe ‘BOVING’ de 680 chevaux. Elle fait 12 mètres de hauteur et l’ensemble pèse plus de 80 tonnes. Un ouvrier, sur la plate-forme, surveille la crépine d’aspiration.

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  Pendant son fonctionnement, la pompe est suspendue à un chevalet provisoire en bois au moyen d’un câble s’entourant autour d’un cabestan. Un treuil joint à la pompe permet aux ouvriers de remonter tout ce qui encombre le cuvelage : poutres, cages, berlines, munitions non explosées mais aussi cadavres des chevaux qui n’avaient pu être remontés pendant le conflit.

   » Les ouvriers découpaient le métal au chalumeau, accrochés à l’étroit plancher de la pompe, à quelques centimètres au-dessus d’une eau tiède, souvent rendue sulfureuse par la décomposition des pyrites et dont les vapeurs suffocantes se mêlaient aux émanations pestilentielles dégagées par les cadavres des chevaux et les détritus de toute sorte. On devait retrouver, totalement dépouillés de leur chair, les squelettes de plusieurs centaines de chevaux, morts de faim, comme l’attestaient les auges de bois et les bat-flancs presque entièrement rongés. C’est dans cette atmosphère que  » se débrouillaient  » les ouvriers, assourdis par le rugissement ininterrompu de la pompe, vaguement éclairés par quelques lampes de mineurs, à la lueur desquelles ils recueillaient les débris. Plus d’une fois, pour permettre à la pompe de continuer sa descente, on dut faire intervenir les scaphandriers.  » (F. Honoré, Illustration du 22 décembre 1923).

  Sur la photo ci dessous, deux pompes sont en action à la fosse 10 de Lens à Vendin-le-Vieil : l’une est fixées sur un chevalet provisoire en bois, l’autre sur le chevalet définitif en béton qui servira ensuite à l’exploitation.

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  L’énergie nécessaire est distribuée dans un premier temps par la Centrale des Brebis des Mines de Béthune. Plus tard, une autre centrale de 24 000 Kw sera édifiée à Hénin-Liétard. 150 kilomètres de lignes sont nécessaires pour amener l’électricité de ces centrales aux différents puits.

  En moins de 100 jours, toutes les pompes sont installées et les travaux de remise en état peuvent commencer. 10 pompes horizontales et 13 pompes verticales seront en service pour assécher les cuvelages jusque fin 1923.

La remise en service

  Sous la pression des actionnaires, l’activité doit redémarrer au plus vite : à Vendin, les fours à coke et les usines sont repartis, une centrale de 60 000 Kw est en cours de construction près de la fosse10.

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  En 1922, pour la Compagnie des Mines de Lens (et de Meurchin) 23 puits d’extraction et 12 d’aérage sont en cours de réfection.

  L’extraction reprend petit à petit dès 1921 : le 11 mars à la fosse 15bis à Loos-en-Gohelle; le 9 juin, au 2 de Meurchin, en août aux fosses 16 et 20 et le 1er septembre au 14.

 Des chevalets provisoires sont installés comme ici à la fosse16 :

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 D’autres renaissent dans le ciel lensois selon des plans émis par la Compagnie. Contrairement à ceux d’avant-guerre, ils fonctionnent exclusivement à l’electricité.

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  Parallèlement, de nouveaux corons sont construits dans les cités par la Société Boulanger. Plus de 15 000 sortiront de terre. Pour éviter la monotonie, quarante types de maisons furent adoptés. Les pavillons, à deux ou trois logements, furent bâtis sur cave, avec un grenier et de spacieuses annexes : buanderie, clapier, volière, remise.

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 Les nouvelles cités apparaissent; elles comprennent des églises, des écoles primaires et ménagères, des dispensaires, des coopératives.

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  Elles sont plantées de nombreux arbres et chaque logement possède un grand jardin.

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  Dès janvier 1924, le niveau de la production était rétabli à 50 % de celui d’avant guerre. Il fallut encore quatre ans pour arriver aux 100%. La dépense de reconstitution s’est élevée à 1 milliard 100 millions de francs, dont 700 millions furent payés par l’Etat.

 La Compagnie des Mines de Lens a de nouveau de beaux jours devant elle comme ci dessous à la fosse 2. rm015.jpg

  Des «experts» du début du 20ème siècle n’avaient ils pas «prévu» que le bassin minier du Nord-Pas de Calais possédait assez de ressources pour être exploité pendant plus de 400 ans ! En 1922, Ernest Cuvelette ne pouvait pas envisager que 60 ans plus tard, une autre guerre, économique cette fois, allait lancer un nouveau démantèlement, définitif celui-là, des puits d’extraction.

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OUVERTURE DU TOME 3

Posté par Le Lensois Normand le 13 mars 2011

Bienvenue à tous sur le site du Lensois Normand Tome 3

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