NARODOWIEC, le journal des mineurs polonais

Posté par Le Lensois Normand le 8 mai 2014

    Il y a quelques temps, j’avais publié un article sur Narodowiec. Dans celui d’aujourd’hui, beaucoup de choses ont été précisées, de nouveaux documents apparaissent. Cette nouvelle version n’aurait pas été possible sans l’aide importante de M. Jean-Claude Kasprowicz qui a connu le journal jusqu’au jour de l’arrêt des publications. Voici donc l’histoire de NARODOWIEC, le journal lensois des mineurs polonais.

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   Enfant des corons de Lens, mes copains s’appellent Dupont, Caboche ou Renard mais aussi Michalak, Budchinski, Lewandowski, Stachowiak ou Tchaikowski. Lens et le bassin minier ont toujours été une terre d’accueil pour ces étrangers. Je ne parle pas des Espagnol ou des Prussiens, venus chez nous pour y faire la guerre mais des vrais immigrés du début du vingtième siècle : les polonais.

  Au tout début du vingtième siècle, après la terrible catastrophe des mines de Courrières de 1906 qui tue onze cents mineurs, le besoin de main d’œuvre dans l’industrie charbonnière est urgent. Arrivent alors dans le bassin minier les premiers ouvriers westphaliens d’origine polonaise en provenance de la Ruhr allemande. Ces immigrés ne sont pas acceptées par tous : certains syndicats protestent même auprès des compagnies qui emploient de la main d’œuvre étrangère sous-rémunérée et revendiquent ‘la préférence nationale’. Après la Première Guerre Mondiale, une nouvelle vague de travailleurs polonais arrive et s’intègre à la communauté minière. Entre 1920 et 1925, on estime à environ quarante mille le nombre d’ouvriers immigrés de ce pays.

   Les Polonais ont leurs pratiques, leurs églises, leurs commerces, leurs musiques, leur cuisine et même leurs banques. Dès 1920, ils créent leurs propres coopératives tenues par des femmes d’ouvriers…. Petit à petit, ils s’intègrent dans le bassin minier et partagent rapidement avec les lensois au point de se confondre rapidement dans la société et d’y devenir indispensables.

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   Si l’histoire de Lens est celle que l’on nous narre aujourd’hui, c’est aussi parce qu’elle a été faite avec les polonais, et ce pas seulement pour la gloire du RCL (rappelez vous entre autre, Placzek, Budzinski, Biéganski, Sowinski, Kosso, Théo puis plus tard les frères Lech, Krawczyk, Zuraszek, etc…).

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   La communauté polonaise lensoise a son journal : Narodowiec, (le Nationaliste). Ce quotidien sort de l’imprimerie du 101 de la rue Émile Zola à Lens. Narodowiec, qui est le symbole de la Pologne à Lens, devient incontournable dans le bassin minier. Il est entièrement écrit en langue polonaise et dans ses meilleures années publié à près de soixante mille exemplaires par jour. Il est alors le second quotidien régional derrière ‘La Voix du Nord’.

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   Narodowiec n’est pas né à Lens. C’est le 2 octobre 1909, à Herne, dans le bassin minier de la Ruhr allemande et où vivent de nombreux ouvriers étrangers polonais que Michel Kwiatkowski fait paraître le premier numéro de Narodowiec… en langue polonaise. A cette époque, la Pologne, qui a été désintégrée par les russes, les allemands et les austro-hongrois pendant plus d’un siècle, n’existe plus sous forme d’état indépendant et la langue polonaise est interdite.

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   Né en 1883 à Gniezno (Pologne Prusienne) d’une famille de petite noblesse, Michel François Kwiatkowski se lance dès l’âge de quinze ans dans la lutte pour l’indépendance de la Pologne en adhérant à une société secrète. Il devient journaliste après ses études de droit. En 1903, il entre à la Gazeta Gdanska (le journal de Gdansk) puis devient rédacteur en chef à Niarus Polski. C’est un nationaliste convaincu, un résistant contre le deuxième Reich. Il est condamné à plusieurs reprises pour ses idées et victime de tentatives d’assassinat.

   L’empire allemand prend la parution de Narodowiec comme une provocation dénoncée aussi par la presse germanique mais comme le succès est immédiat, il n’ose en interdire la diffusion de peur de provoquer des émeutes. Cependant, les faits et gestes du fondateur du journal sont surveillés de près. Dès les premiers numéros, de nombreux polonais devenus allemands par la force des choses achètent ce journal et y retrouvent le plaisir de lire la langue maternelle.

   Pendant la première guerre mondiale, un moment interdit comme toute la presse polonaise, Narodowiec est autorisé à reparaître à la condition de diffuser les communiqués de guerre allemands. Les articles de Kwiatkowski lui valent d’être de nouveau arrêté et emprisonné à la citadelle de Wesel (Rhénanie du Nord).

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  A la fin de la Première Guerre mondiale, l’indépendance de la deuxième république de Pologne est proclamée. Michel François Kwiatkowski se rend en Haute-Silésie pour défendre la cause polonaise pendant la campagne du plébiscite décidé par le Traité de Versailles sur la répartition des régions entre l’Allemagne et la Pologne. Lors des élections législatives de novembre 1922, Kwiatkowski et son épouse deviennent députés démocrates-chrétiens à la Diète de Silésie. Ils le resteront jusqu’en 1927.

   Mais la Pologne renaissante doit affronter le gros problème du chômage, véritable plaie, qui menace la stabilité du nouvel état. La France a besoin de main d’œuvre pour relancer  l’extraction minière. C’est la période de la migration de nombreux ouvriers vers les mines du nord de la France. Dès 1922, Kwiatkowski leur fait parvenir Narodowiec par la poste militaire française.

   En 1924, autorisé à s’installer en France en raison des services rendus à la cause des nations alliées, Michel Kwiatkowski rejoint les ouvriers polonais dans la capitale du Pays Minier. Il y amène son matériel d’imprimerie dans un convoi militaire français et s’installe rue Émile Zola. Le 12 octobre de la même année sort des rotatives lensoises le premier exemplaire de Narodowiec tiré à sept mille exemplaires. En Pologne, un journal de même tendance, Narod parait de 1924 à 1939 sous la direction de Marian Kwiatkowski, le frère de Michel. Marian sera assassiné sur ordre des autorités allemandes en 1940.

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  En France, Narodowiec va vite prospérer : quinze mille exemplaires en 1926, vingt-huit mille en 1928, trente-cinq mille en 1932 et plus de quarante mille à la veille de la deuxième guerre mondiale. Largement distribué à Lens, Narodowiec est lu aussi dans les mines du Gard, du Tarn, de l’Aveyron, de Lorraine où il est vendu par correspondance.

  En 1932, l’imprimerie de Lens édite la revue illustrée ‘Illustacja Polska’ qui est diffusée à neuf mille exemplaires. Elle éditera également la ‘Gazeta dla Kobiet’, un journal féminin catholique.

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   Narodowiec est considéré comme sans tendance politique mais franchement anti-communiste. Il a toujours dénoncé l’introduction de la politique dans la communauté polonaise contrairement à ‘Wiarus Polski’, un autre journal polonais imprimé depuis 1923 sur les rotatives du Grand Echo du Nord à Lille et dont Jan Brejski, le directeur, ne cache pas son appartenance au groupe national-ouvrier polonais.

   En 1926, un nouveau concurrent parait, imprimé aussi à Lille, ‘Glos Wychodzcy’ (La Voix de l’Émigré) dirigé par Antoni Ryczkowski mais il n’arrivera pas à rivaliser avec Narodowiec.

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   Avant la seconde guerre mondiale, l’ensemble des journaux constituant la presse polonaise en France tire à plus de cent vingt mille exemplaires. Outre Narodowiec et Wiarus Polski, on trouve Prawo Ludu (Le Droit du peuple) et Robotnik Polski (La Voix de l’ouvrier). Afin de pouvoir être lue par un maximum de leurs ressortissants, ils sont tous écrits en polonais.

   Les articles de Narodowiec sont tous écrits par des journalistes locaux qui rapportent les évènements de la communauté polonaise. Ils répondent aux besoins des lecteurs qui y voient un moyen de conserver l’identité de leurs origines. Narodowiec donne aussi des conseils aux polonais de Lens et de la région : contrat de travail, assurances de santé ou de retraite, demande de logements, procédures pour obtenir des documents officiels ou la naturalisation française… Le journal prend aussi la défense des travailleurs polonais : il dénonce les bas salaires, les discriminations et s’en prend aux compagnies minières. Ainsi, dans les années trente, il demande à ces compagnies et au gouvernement français des assurances afin que les nouveaux embauchés venus de Pologne ne soient pas licenciés puis expulsés en cas de baisse de la production comme cela a déjà été fait auparavant. En ce qui concerne la Pologne, Narodowiec s’oppose clairement à la politique autoritaire menée par le maréchal Pilsudski et ses successeurs.

   Les liens qui unissent Narodowiec à la population polonaise du bassin minier sont si étroits que des mineurs qui ne lisaient jamais de journal dans leur pays achètent maintenant ce quotidien pour rester en contact avec ‘leur’ monde. Parmi  ces mineurs immigrés, certains sont encore illettrés et se font lire le journal par un ami ou un membre de la famille. On estime que chaque exemplaire est lu par quatre personnes au moins.

   En 1932, l’imprimerie du numéro 101 de la rue Émile Zola emploie cinquante personnes afin que les exemplaires quittent chaque jour les rotatives à l’heure dite.  En 1936, parmi les journalistes on trouve pour la première fois une femme : Stanislawa Koslowska.

   Le 1er septembre 1939, l’armée allemande pénètre en Pologne. Narodowiec lance un appel afin de créer une armée polonaise en France. Le général Wladyslaw Sikorski forme à Paris un gouvernement polonais en exil aussitôt reconnu par les pays libres. Michel Kwiatkowski est nommé membre du Conseil National.

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   Il cesse la diffusion du journal dès que les troupes germaniques envahissent Lens en mai 1940. Recherché par la Gestapo, il part pour l’Angleterre retrouver le général Sikorski qui s’y est réfugié après la défaite française.

  Dès les premiers jours suivant la Libération de Lens, les membres de l’organisation de lutte pour l’indépendance de la Pologne reprennent l’imprimerie de la rue Zola afin de relancer le journal qui reparait en décembre 1944 après le retour de Michel Kwiatkowski.

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  Narodowiec reprend son rang d’institution régionale. Il propose jusque trente-deux pages écrites par une véritable équipe de journalistes passionnés de leur nation d’origine. On peut y lire des nouvelles de tout le nord de la France, de Paris, de la France entière, du Benelux et y trouver également toutes les rubriques d’un quotidien ‘normal’ : politiques, sociales, financières, agricoles, médicales, culturelles. Il comporte également le courrier des lecteurs, un feuilleton, des bandes dessinées dont les aventures de Rafala Pigulki dessinées par André Daix connu en français sous le nom de Professeur Nimbus. Narodowiec est lu dans tout le bassin minier mais aussi vendu par correspondance à des abonnés de toute la France et même de l’étranger.

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   Dans la seconde moitié du vingtième siècle, quatre-vingt personnes sont employées à l’imprimerie de la rue Émile Zola pendant six jours et six nuits afin que le journal respecte ses horaires de distribution. Les bureaux de la rédaction ouvrent dès six heures et à quatorze heures, un véhicule transporte les journaux dans les gares de Lens et d’Arras tandis que dans les corons de Lens, deux cents colporteurs les mineurs distribuent aux familles polonaises dès la fin de l’après-midi ‘leur Narodowiec’ daté du lendemain ! D’autres personnes sont chargées d’imprimer tracts et documents pour des commerçants, des artisans ou même des particuliers.

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   Tous les enfants d’immigrés polonais se souviennent de Narodowiec :

         -  Mon grand-père le lisait et moi, petite, je trouvais que c’était un drôle de journal.

       – C’est dans ce journal que j’ai commencé d’abord à lire le polonais avant de rentrer en maternelle française, mes parents y étaient abonnés il y a plus de quatre-vingt ans.

       – Narodowiec… Grande aide à l’apprentissage du Polonais en ce qui me concerne, aussi ! Mes parents le recevaient également, car nous vivions en région parisienne ! A sa disparition, il nous a manqué !

       – Dans Narodowiec, moi je regardais surtout les vignettes de Rafal Pigulka (Professeur Nimbus) avec son grand chapeau et son froc à queue de pie, vu que j’étais furieusement réfractaire à l’apprentissage de la lecture du polonais.

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        – J’aimai également regardé les bandes dessinées de Nimbus et les titres des reportages comme par exemple Echa Dnia (les échos du jour) avec lesquelles j’apprenais le polonais avec mon père…

         – Dans les années soixante mon grand-père et ma grand-mère Babtia lisaient Narodowiec surtout le soir. Ils se partageaient les pages. On n’avait pas la télé et moi je lisais la petite bande dessinés Pigulki. Un souvenir merveilleux de mes grands parents.

    En 1959, Narodowiec fête son cinquantième anniversaire. Parmi les nombreux messages reçus à la rédaction figure celui de John Kennedy, Président des Etats Unis.

   En 1962, Michel François Kwiatkowski qui décédera d’un accident à Vichy le 21 mai 1966 à l’âge de quatre-vingt trois ans laisse la direction du journal à son fils Michel Alexandre aidé de son épouse Eliana.

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   Michel Alexandre Kwiatkowski, diplômé des universités de Cambridge (économie politique) et de Lille (lettres), poète et écrivain (on lui doit deux livres consacrés au pape Jean Paul II), effectue rue Émile Zola ses premiers pas de journaliste.

    Démocrate chrétien comme son père, il s’opposera autant au gouvernement polonais en exil à Londres qu’au régime communiste de Varsovie.

   A partir des années soixante-dix  la récession de l’exploitation charbonnière et la disparition progressive des premières générations d’immigrés polonais font que les ventes diminuent. Les jeunes générations parlent moins la langue de leurs parents et sont plus intéressés par une télévision en plein essor que par la presse écrite. Narodowiec n’est plus tiré qu’à trois mille exemplaires et l’imprimerie n’est plus rentable. Michel Alexandre doit finalement abandonner. Le dernier numéro sort des rotatives lensoises le lundi 19 juillet 1989 et les locaux de la rue Zola fermés.

    Vingt ans plus tard, lors de l’exposition sur le centenaire de la première parution du journal, l’association des Amis de Narodowiec déclare : ″Le journal reste une véritable fenêtre à travers laquelle les générations futures peuvent regarder pour ne pas oublier ce siècle de l’horreur″.

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La place Jean Jaurès

Posté par Le Lensois Normand le 6 mai 2014

   Cette place porte le nom du grand homme politique français depuis 1936 et une décision du conseil municipal d’Alfred Maës.

   Vers 1570, on la nomme rue ou place du Grand Marchié puis elle devient la ‘rue Très Large’ vers 1750.

   Le 30 octobre 1909, elle est baptisée ‘place Francisco Ferrer’ en mémoire du républicain espagnol fusillé quelques jours plus tôt par la monarchie ibérique. Il arrive parfois que certains lensois l’appelle aussi ‘place de la mairie’.

  La place a certainement vu le jour avec la construction de l’église Saint Léger. Sur les plans de Lens du moyen-âge, on peut voir qu’elle a toujours été l’une des artères principales de la commune. Du temps des remparts, elle donnait directement sur la Porte d’Arras (qui se situait au niveau du croisement entre l’Avenue du Maréchal Joffre et les rues Decrombecques et de la Paix).

  Avant la première guerre mondiale, elle n’était qu’une large avenue dans le prolongement du boulevard des écoles. Elle fut élargie lors de la reconstruction de la ville à partir de 1919.

  Deux édifices ont toujours existé au niveau de cette place : la mairie et l’église Saint Leger. Depuis le dix-neuvième siècle, est cernée de nombreux commerces.

  La place principale de Lens a été le témoin de nombreux évènements.

      – En 1906, c’est là qu’ont lieu les grands rassemblements ouvriers pendant la grève qui a fait suite à la catastrophe des mines de Courrières.

      – En 1914, c’est là aussi qu’un officier allemand vint annoncer à Emile Basly la prise de la ville par les troupes impériales germaniques.

      – En août 1944, la place Jean Jaurès et les édifices qui l’entourent sont de nouveau détruits par les bombardements. Quelques semaines plus tard, le général de Gaule prononce un discours sur la place Jean Jaurès devant un  hôtel de ville en ruine.

      – En 1965, plusieurs milliers de lensois se regroupent sur la place pour rendre un dernier hommage à leur maire décédé, le docteur Ernest Schaffner.

      – En mai 1998, ils sont encore nombreux à se masser sur la place Jean Jaurès pour voir les joueurs de l’équipe de football de Lens qui sont pour la première fois champions de France.

   La place a aussi toujours été le lieu de nombreuses manifestations festives ou sportives comme les défilés à l’occasion des fêtes de Lens ou du passage du tour de France.

   Alors, parcourons l’histoire de cette place lensoise avec plus de 50 images en noir et blanc.

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Il y a 70 ans, Lens sous les bombes

Posté par Le Lensois Normand le 14 avril 2014

   Dans quelques jours sera célébré le triste soixante-dixième anniversaire du premier bombardement de Lens de la seconde guerre mondiale.

   1944 : la ville de Lens totalement anéantie lors de la première guerre mondiale doit nouveau du subir les conséquences de la bêtise humaine. Ces femmes et ces hommes qui ont déjà perdu une trentaine d’années auparavant  des parents, des amis vont de nouveau pleurer les leurs.

   En 1944, les ‘frappes chirurgicales’ n’existent pas et pour être à peu près sur d’atteindre l’objectif fixé, il faut élargir la zone à bombarder. Du mois d’avril au moins d’août, cinq bombardements importants ‘visant’ les installations ferroviaires feront plus de 500 morts et de nombreux blessés. On dénombrera plus de mille habitations totalement détruites. Près de quatre mille autres irréparables devront être rasées.

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   Le premier raid a lieu dans la nuit du 20 au 21 avril vers 23h30.175 avions-bombardiers de la RAF ont pour mission de détruire le dépôt de locomotives de Méricourt.  C’est la cité des Cheminots d’Avion qui est principalement touchée mais de nombreux dégâts sont recensés à Sallaumines, Méricourt et Lens. On relèvera 204 civils tués et plus de deux cents blessés.

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   Dans la nuit du 10 au 11 mai, à 23 h30  nouvelle attaque contre le dépôt des machines du chemin de fer faisant une soixantaine de victimes dans les communes de Lens, Avion, Méricourt et Sallaumines. Cette fois, ce sont 125 appareils qui larguent 532 tonnes des bombes explosives et 2 tonnes de bombes incendiaires. Les calculs ne devaient pas être excellents puisque le dépôt a très peu souffert, les projectiles tombant pour la plus part au sud des voies ferrées.

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   Neuf jours après le débarquement sur les plages de Normandie, l’aviation anglaise pilonne de nouveau le secteur de Lens dans la nuit du 15 au 16 juin. La RAF vise encore le dépôt avec pour objectif affiché d’empêcher l’arrivée de troupes de renfort allemandes. Cette fois, ils ne sont pas moins de 220 avions à pilonner le secteur pendant dix-sept minutes.

   Les militaires jugent ‘la cible touchée avec précision’ mais les dégâts sont considérables en ville : mairie, église Saint Leger, école Sainte Ide, place de la République. Les bombardements vraiment très peu précis ont touché une vaste zone allant de la gare Sainte Elisabeth et du pont Césarine jusqu’au pont de Douai et au cimetière-est. Plus de 300 maisons sont inhabitables.

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   C’est aussi la première fois que les ‘alliés’ utilisent des bombes à retardement qui, en explosant jusqu’à plusieurs jours après leur largage, font de nombreuses victimes parmi la population. Ce raid fera 38 tués civils à Lens.

   Le 4 août dans l’après-midi, ce sont cette fois six appareils américains qui larguent plus de seize tonnes de bombes sur le triage de Lens dans le cadre d’une opération visant les rampes V1 et les batteries allemandes du Pas-de-Calais. 25 nouvelles victimes seront relevées dans Lens et au moins autant de blessés.

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  Enfin, il y a le bombardement du vendredi 11 août 1944, celui dont les anciens de Lens se souviennent encore comme si c’était hier. Les militaires de la RAF lancent une nouvelle attaque sur le dépôt de Lens. Selon certains témoignages, on apprendra plus tard que ce bombardement était inutile car les allemands avaient déjà quitté le dépôt des machines et abandonné les installations ferroviaires.

   A Lens le temps est radieux, il n’a pas plu depuis longtemps. Beaucoup de lensois sont sortis de chez eux ; c’est le jour de la ‘quinzaine’ dans les corons. Les dernières nouvelles remontent le moral de la population, les troupes alliées avancent, la libération tant attendue est proche.

   Vers 16h15, les sirènes hurlent, les lensois se précipitent vers les abris. Aussitôt, les premiers obus tombent sur la ville. Plus de 130 bombardiers sont utilisés. A 16h38, tout est terminé. Lorsque les habitants remontent des abris, il fait noir comme en pleine nuit.

  Selon certains historiens, c’est la poussière dégagée par les premiers bombardements qui aurait aveuglé les pilotes suivant leur faisant rater leur objectif principal et larguer un bon nombre de leurs bombes sur la ville au lieu du triage ferroviaire. Pourtant, Augustin Viseux, dans son livre ‘Mineur de fond’ est formel : dès la première vague, des bombes tombent sur la cité et la fosse 4.

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   Les installations du triage sont détruites, certes, mais aussi une grande partie de la ville. Le centre de l’agglomération est de nouveau dévasté, les bombes sont tombées de place de la République à l’église Sainte Barbe de la cité 4, des grands bureaux des mines à la place de la gare…

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  Lens n’a plus de mairie, n’a plus de caisse d’épargne, n’a plus de piscine, a perdu de nombreux commerces, des églises, des corons, un cinéma, la banque de France….

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   Le nombre officiel de morts s’élève à 144. Les corps seront rassemblés dans une chapelle ardente installée dans la salle des fêtes de la maison syndicale, rue Emile Zola.

   Le chiffre de 114 victimes est en dessous de la vérité car de nombreux corps seront retrouvés par la suite dans les décombres ou dans les caves et d’autres habitants seront tués par ces fameuses bombes à retardement.

   Parmi ces victimes figurent de nombreux mineurs de la fosse 4 et des ouvrières de la coopérative des mines qui se trouvait rue Bollaert. Dans la cité 4 s’élève aujourd’hui une stèle en l’honneur des victimes civiles et au jardin public de Lens, une autre rappelle les noms des victimes de la coopérative des mines.

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   Trois semaines plus tard, le 2 septembre 1944 l’armée anglaise entre triomphalement dans Lens.

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Le petit garçon à l’hôpital de Lens

Posté par Le Lensois Normand le 2 avril 2014

    La mémoire est une fonction du cerveau très compliquée. Pourquoi un souvenir stocké pendant des années ressurgit un jour à la simple vue d’un document, d’un objet ou d’une image ? C’est ce qui m’est arrivé il y a peu de temps. La découverte, au service des archives municipales de Lens de la photo d’une ancienne salle d’opération de l’hôpital Schaffner a fait revenir à la surface l’histoire totalement véridique ci-dessous.

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   Les années cinquante touchent à leur fin. Dans un coron de la cité de la fosse 14, un petit garçon a mal au ventre depuis plusieurs jours. Sa maman décide de faire quérir le médecin des mines.

   Le docteur Montagne arrive, son éternelle cigarette vissée au bec. La maman explique : ″Mal au ventre, vomissements, température…″.

   Le docteur fait allonger le garçon sur la table de la salle à manger et l’ausculte. Son verdict : ″Appendicite, opération, hospitalisation.″ Il s’assoit, allume une nouvelle cigarette et rempli les papiers.

   Quelques jours plus tard, le petit garçon est couché dans une chambre à deux lits de l’hôpital cher au Docteur Schaffner. Il n’a pas peur, il est plutôt impressionné par toutes ces personnes en blouse blanche qui s’occupent de lui. Dans le lit voisin, un autre garçon, un ‘vieux’ de treize ou quatorze ans qu’il connait de vue. Il doit être aussi de la ‘fosse 14’.

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   Le lendemain, deux hommes en blancs viennent chercher le petit garçon, le couche sur un chariot, le sangle, le conduisent à travers les couloirs de l’hôpital, prennent les ascenseurs.

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   Le petit garçon est installé dans une grande salle bizarre où on l’allonge sur une table. Une énorme lampe est allumée au dessus de lui et l’éblouit. Une dame lui parle gentiment, lui fait une piqure dans le bras. Au revoir…  il dort.

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   La suite, c’est sa maman qui lui a raconté beaucoup plus tard. Le jour de l’opération, dès l’heure du début des visites autorisées, elle arrive dans la chambre. Le lit du garçon est défait, les couvertures jetées de travers. Où est-il ? Elle interroge son voisin de lit. ″Ils l’ont repris, son cœur s’est arrêté de battre !″. La maman a les jambes coupées, elle s’effondre sur le lit !

   On vient vite la rassurer, le garçon va bien. Il a eu un problème au moment de se réveiller et est en salle de réanimation. Peu de temps après, il est de retour dans sa chambre et se demande pourquoi tant d’agitation et de larmes autour de lui. On ne saura jamais ce qui s’est passé. On apprendra plus tard qu’au moment de lui ouvrir le ventre, un cas urgent est arrivé et que son opération a été retardée de quelques heures. Est la cause du malaise ?

   Aujourd’hui, le petit garçon est devenu vieux mais quand il passe devant l’entrée de l’hôpital de Lens, sur la route de La Bassée, il se souvient qu’un jour ici, il a fait pleurer sa mère ……

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   C’était à Lens à la fin des années cinquante !

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Sylvain Robert élu Maire de Lens

Posté par Le Lensois Normand le 31 mars 2014

   Le dimanche 30 mars, la liste menée par Sylvain Robert, Maire sortant de Lens a été élue lors du deuxième tour des élections municipales. Cette liste a recueilli  42,02 % des suffrages exprimés. Elle devance celles d’Arnaud Sanchez à la tête d’une coalition ‘dissidents socialistes-UMP’ (33,94 %) et d’Hugues Sion (FN, 24,05 %).

   Pour rappel, la liste des Maires de Lens depuis 1900 :

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Émile Basly

Alfred Maës

Marcel Hanotel

6 mai 1900 – 11 février 1928

 

1er avril 1928 – 17 août 1941

 

22 décembre1941 – 2 septembre1944

 

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Paul Sion

Auguste Lecœur

Ernest Schaffner

3 septembre 1944 – 13 mai1945

13 mai 1945 – 26 octobre1947

 

26 octobre 1947 – 23 septembre1966

 

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André Delelis

Guy Delcourt

Sylvain Robert

4 décembre 1966 – 14 octobre 1998

 

14 octobre 1998 – 16 juin 2013

16 juin 2013- en cours

 

nnnVous pouvez retrouver l’histoire des Maires de Lens du vingtième siècle (ainsi que celles d’autres lensois célèbres) dans le tome 4 du blog du lensois-normand (ici : http://lenstome4.canalblog.com/ ).

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La Metz est dite

Posté par Le Lensois Normand le 7 mars 2014

Après de nombreuses incertitudes, la décision est enfin tombée hier jeudi dans la soirée : le préfet de Moselle a pris des mesures exemplaires contre les supporters du RC Lens.

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Pourtant, on est toujours bien reçu d’habitude à Metz (photo L’Est Républicain)

Les abords du stade seront interdits à toute personne se prévalant d’être lensois, le nombre de supporters Sang et Or sera limité à 400 dans le stade au lieu de 1100 lorsque les grenats reçoivent d’autres équipes.

Tout ça parce que lors du match aller au Stade Bollaert-Delelis, quelques ivrognes lorrains aux neurones anémiées et à la vessie houblonnée n’ont pas bien digéré les excès de notre excellente Bière du Chti ayant pour conséquences quelques ‘déboires’ avec la marée-chaussée.

Alors, Monsieur le Préfet de Moselle a pris les décisions qui le feront entrer dans la légende. En effet, peut être a-t-il là évité une troisième guerre mondiale ! Sa décision est justifiée : ″considérant la forte mobilisation des Ultras à risques de Lens pour la prochaine rencontre opposant Metz à Lens et pour laquelle ils recevront le soutien de supporters d’Anderlecht, Rennes et Guingamp″.

Imaginez cette armée de brutes lensoises envahissant la Lorraine, baïonnette au canon et sabre au clair, ces hommes aux uniformes rouges de sang et jaunes d’or investir la cité de Paul Verlaine renforcés des hordes bretonnes et flamandes. Que serait il resté du patrimoine de nos cousins ex-germains ? Le Centre Pompidou rasé, la belle gare exposée, la cathédrale ruinée, les commerces pillés, les caniveaux des belles rues piétonnes ruisselants du sang des autochtones que les pluies abondantes ne parviennent pas à diluer !

Car se sont de vrais sauvages ces supporters lensois. De peur d’importantes représailles, les médias et les autorités du football sont obligés de leur attribuer le titre de meilleur public de France toutes divisions confondues !

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Quelques uns des hooligans lensois interdit s à Metz. C’est vrai qu’ils font peur !

Imaginez les en train d’arpenter les rues de Metz en hurlant leur hymne de guerre ‘Les Corons’. Ce chant partisan qui partout ailleurs est connu pour ses paroles sanguinaires. Ce chant, véritable appel à la violence, qu’ils hurlent partout pendant les trêves entre chaque combat obligeant comme à Dijon, les gens du coin à les ovationner !

Regardez comment ils ont laissé les champs de bataille après leur passage dans les villes au cours de leur dernière campagne : Dijon, on l’a dit mais aussi Laval, Le Havre, Tours, Arles, Clermont-Ferrand, Niort, Nancy, Angers, Brest, Auxerre, Troyes, Créteil ne sont plus que ruines et désolation.

Alors, Monsieur le Préfet, vous avez pris la bonne décision. La ville de Metz, la Lorraine, La France et même le monde entier sauront reconnaître votre volonté d’éviter un nouveau drame humanitaire mais aussi votre capacité de discernement. Car vous auriez même pu aller plus loin : faire intervenir la DST, demander l’intervention de l’armée, du GIGN et du RAID et pourquoi pas, reconstruire la ligne Maginot.

Et vous avez gagné la guerre ! Grâce à vous, les armées lensoises ont pris peur et renoncent à leur projet d’investir votre ville. Aucun régiment n’organisera de déplacement de troupes. A vous seul, vous avez mis toute une armée en déroute. Votre nom restera dans l’histoire pour avoir été à l’origine de ‘la retraite de Lorraine’.

Si vous êtes est encore en place lors de la prochaine saison et si l’équipe de Metz monte en première division, vous allez en avoir du boulot, monsieur le Préfet de Moselle. Il va falloir l’utiliser votre beau stylo à plume pour en signer des arrêtés : il parait qu’il y a encore plus féroces que les lensois parmi les supporters en ligue un. Nice, Marseille, Saint Etienne, Paris…. Vous connaissez ?

Le football est et doit parait-il rester un sport populaire. Ce n’est pas avec le genre de décision comme la votre qu’on évitera les débordements. J’entends déjà quelques artésiens annoncer une reprise des hostilités dès la prochaine saison.

Mais pour la plus part des lensois, les supporters messins, les vrais, seront reçus comme seuls les chtis savent le faire l’an prochain quelque soit le stade où joueront les Sang et Or.

Allez Metz et surtout ALLEZ LENS et que le meilleur gagne !

Quant à vous monsieur le préfet, ce serait marrant de vous voir muté…. dans le Pas-de-Calais !

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Un jour de 1962 à Michelet

Posté par Le Lensois Normand le 2 mars 2014

    Septembre 1962, c’est le jour de la rentrée des classes. Aujourd’hui, j’entre chez ‘les grands’.

    Le petit gamin des corons a dit ‘Adieu’ à son école de la cité du 12 au début du mois de juillet. Ce matin, il a pris l’autobus des ‘Transports en Commun’ qu’il a attendu à l’arrêt devant la porte de la propriété de l’Ingénieur sur la Route de La Bassée.

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L’école des garçons du 12, près de l’église Saint Edouard, c’est fini !

    Il est arrivé là, la ‘carnasse’ à la main, encore vide des bouquins qu’il va ramener ce soir et qu’il faudra recouvrir. Les ‘grands’ l’ont regardé, l’ont testé. Comment sera-t-il accepté parmi tous ceux de l’arrêt de bus ? On le saura dans quelques jours …..

    Le vieux bus jaune, bondé et asthmatique le dépose sur la place de la Gare. A pied, il se rend à l’entrée principale du CEG Michelet sur le Boulevard Basly. Il n’a pas le temps d’admirer les vitrines des Nouvelles Galeries.

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Les bus des ‘Transports en Commun’ mous conduisait au collège

   Le voici dans la cour du collège. Le monde ! Il se sent perdu. Ca crie, ça marche, ça court dans tous les sens. Heureusement, il rencontre un copain du 12. A deux, on se sent plus fort.

   Des hommes qu’il ne connait pas tentent de canaliser les enfants. Rien que des garçons, bien sur. Les filles, elles, sont de l’autre côté du mur, à Campan. Ce n’est pas encore le temps de la mixité dans les écoles.

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La cour de Michelet

   ‘‘Les sixièmes, en rang par là !’’. L’ordre tant craint est venu ! On se range par deux, en silence ; la colonne face à une porte d’entrée d’un bâtiment.

  Un homme vient se placer en tête du groupe, une sacoche à la main. ‘’C’est lui’’ entend-on chuchoter. Il donne l’ordre de mise en marche. On entre, on monte des escaliers, on arpente des couloirs. Que c’est grand !

  On pénètre dans une salle de classe qui sent la peinture verte et neuve de ses murs : un grand tableau noir, d’immenses fenêtres, trois rangées de bureaux à deux places et celui de l’homme qu’on n’appelle pas encore ‘le prof’ sur une estrade, comme pour affirmer qu’il peut tous nous surveiller d’un seul regard.

  L’homme s’assoit, il se présente: ‘’Bonjour, je suis Christian Daubresse, votre Professeur Principal, ma matière est le Français’’. L’homme a l’air sympathique : grand brun avec un sourire qui semble nous inviter à nous décontracter.

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Monsieur Daubresse

   Mais pas facile pour ces enfants qui ne sont pratiquement jamais sortis de leur coron. Le silence est total, l’anxiété à son comble !

   Tout à coup, l’homme se lève. Il ouvre les boites de craies qui se trouvent sur son bureau, prend un bâton dans chaque et se dirige vers le tableau noir. Il place une à une les craies de couleur dans la petite boite qui se trouve sous le tableau, près de l’éponge.

   Et là, au fur et à mesure qu’il en pose, il dit d’une voix de comédien : ’’Une blanche… une bleue… une rouge… une verte et ….. une marrone !’’.

   Quand on sait ce que veut dire ‘marrone’ en patois de chez nous, on comprend que cette sortie a fait éclater de rire toute la classe. La soupape a explosé, la pression s’est échappée sur un simple mot, un mot d’humour dont on se souviendra toute sa vie !

  Notre carrière de collégien peut commencer. Merci Monsieur Daubresse.

  C’était en septembre 1962, au Collège Michelet de Lens…

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Le talent d’Achille

Posté par Le Lensois Normand le 27 février 2014

   En fouillant dans le passé de l’Histoire de Lens, on se rend compte qu’il est fait d’une multitude d’histoires : des grandes histoires et des petites histoires.

   Celle qui nous concerne aujourd’hui, à peine romancée, nous narre la dernière journée de la vie d’un brave représentant de commerce, Achille Claveleux (ce n’est bien sur pas la véritable identité de notre héros du jour). Notre homme, qui aurait pu ne rester qu’un illustre inconnu, est entré dans l’Histoire de Lens le jour même où il terminait la sienne.

   Le 25 janvier 1931, le Tribunal de Béthune rend son jugement dans l’affaire opposant la veuve Claveleux à Madame Savaete, propriétaire d’une brasserie à Fauquembergues, 16 rue de Fruges.

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A Fauquembergues, la Brasserie Savaete se trouve dans le grand bâtiment blanc avec le porche en arcade

   Claveleux est voyageur de commerce pour le compte de la brasserie depuis plusieurs années. Voyageur de commerce dans une brasserie : où voulez vous qu’il vante les qualités de sa bière, ce brave homme ? Dans les établissements où on en boit, bien sur.

   Claveleux et son épouse habitent Fournes-en-Weppes. En ce jeudi 11 octobre 1928 un peu avant neuf heures, il quitte son domicile à bord d’un véhicule automobile qui lui est prêté par la brasserie et dont il a rempli le coffre d’échantillons de ce breuvage dont il doit vanter les mérites.

   Sa mission aujourd’hui : visiter quatre clients à Hénin-Liétard, des estaminets, bien sur. Claveleux arrivera chez le premier d’entre eux à… 18h30 !

   L’itinéraire le plus court est le plus logique aurait du le faire passer par Carvin et Courrières. Mais voilà, vers neuf heures trente, Claveleux est aperçu alors qu’il entre dans la gendarmerie de … Liévin, loin de sa route.

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La Gendarmerie de Liévin se trouvait alors avenue des Grands Bureaux

   Que va-t-il y faire ? On ne le saura jamais. Peut-être s’est-il perdu et cherche auprès de la marée-chaussée de quelle manière reprendre le droit chemin.

   Il quitte la gendarmerie vers onze heures, le coffre un peu plus léger. Et comme pour aller de Liévin à Hénin, il n’y avait pas la rocade à cette époque, il semble qu’il se perde de nouveau. Est-ce l’excuse qu’il trouverait si on lui demandait pourquoi on le voit passer sa journée dans des estaminets de Lens, de Loison ou de Vendin-le-Vieil ?

   Quelle journée éreintante pour notre brave représentant ! Il arrive enfin à Hénin vers 18h30 et ‘visite’ ses quatre clients. Grâce au talent d’Achille, à vingt heures, son carnet de commande est plein. Sa patronne va encore être contente, il est l’un de ses meilleurs vendeurs.

   La journée est finie ! De Hénin, il va enfin pouvoir rentrer chez lui après cette longue journée de … travail.

   Hé bien non ! Jugeant certainement qu’il n’avait pas encore assez ‘vendu’, il retourne à Lens à bord de son véhicule. Il doit encore lui rester quelques échantillons houblonnés dans le coffre.

   Peut-être veut-il simplement vérifier comment les clients apprécient la bière qu’il a vendue au commerçant. On le retrouve au comptoir du café François, du côté de la Place du Cantin qu’il quitte vers vingt-et-une heures. Le commerce doit être difficile car on ne trouvera aucune commande du patron de cet estaminet dans les papiers d’Achille.

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La place du Cantin telle qu’Achille a du la voir une dernière fois

   De la place du Cantin, la route de Lille, Carvin, il devrait être rentré à la maison avant vingt-deux heures.

   Mais les chemins de Claveleux semblent vraiment tortueux. Une heure plus tard, on le retrouve remontant le Route de La Bassée à bord de son véhicule, l’esprit somnolant certainement dans les vignes du Seigneur et la vessie surement bien pleine.

   En arrivant du côté des corons de la cité de la fosse 14, le véhicule de notre homme tamponne brutalement une voiture hippomobile pourtant munie de ses lanternes de signalisation.

   Le choc a du être violent car Achille passe aussitôt de vie à trépas. Ainsi se termine la laborieuse dernière journée de travail d’un homme totalement investi dans sa mission.

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Les corons de la route de La Bassée au niveau de la cité de la fosse 14

   Le Tribunal de Béthune estimant que Dame Savaete n’a donné à Achille aucun délai ni aucun horaire précis pour effectuer sa mission, qu’elle ne lui a pas précisé d’itinéraire à prendre, que ses ‘clients’ tenant des estaminets ne peuvent être visités que pendant leurs heures d’ouverture parfois tard le soir, que le fait de ne pas avoir enregistré de commandes ne signifie en rien qu’Achille n’ai pas rempli sa mission de représentant, donne raison à la veuve Claveleux et reconnait donc que le décès de son mari est bien consécutif à un accident de trajet.

   La propriétaire de la brasserie est condamnée à lui verser une indemnité correspondant à 20% du montant annuel du salaire de feu notre représentant de commerce.

   Ceci devrait lui permettre de se consoler de cette ‘mort subite’ et d’offrir à son défunt une belle…. mise en bière !

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Quand Bollaert n’était pas Bollaert

Posté par Le Lensois Normand le 12 février 2014

   Le 6 novembre 1929, la Société des Mines de Lens devient propriétaire de la totalité d’un terrain de treize hectares soixante dix-huit limité par  la voie ferrée de Lens à Dunkerque, les carreaux des fosses 1 et 9 et la route de Béthune.

   L’idée de Félix Bollaert, le président du conseil d’administration de la compagnie est de faire de cet espace un lieu d’activités de plein air pour les familles des mineurs. La politique de la compagnie est d’encadrer au mieux les loisirs de ses ouvriers afin que leur attention ne soit pas toujours occupée par des idées revendicatives.

  Au début des années trente, la lutte que se livrent la compagnie et le syndicat des mineurs est intense. Ce dernier est depuis le début du siècle à la tête de la ville. Emile Basly puis Alfred Maës, deux anciens mineurs, leaders du puissant syndicat occupent le fauteuil de maire et sont députés de la circonscription.

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     Pour marquer sa puissance, la Société des Mines de Lens, propriétaire de la grande majorité des terrains autour du centre-ville, s’est établie aux portes de la cité. Sa reconstruction après les dégâts occasionnés par la Première Guerre Mondiale est maintenant terminée. Les Grands Bureaux, sièges de la direction et des services administratifs, fonctionnent dès 1929. La compagnie possède son propre réseau ferroviaire, ses propres quais de manutention le long du canal, ses propres usines électriques, sa propre gare. Pour les familles de mineurs, elle dispose de logements bien sur mais aussi d’écoles, de centres ménagers, de coopératives, de salle des fêtes, de stades et même d’églises.

   Afin d’asseoir définitivement son indépendance vis-à-vis de la ville et de ses élus socialistes, il ne lui manque qu’un grand complexe sportif. En outre, ses dirigeants ne sont pas insensibles à la notoriété naissante de l’excellent club régional qu’est le Racing Club Lensois.

   Depuis 1924, la compagnie a créé son club, la Section d’Education Physique de la Compagnie des Mines de Lens dont le siège social se trouve aux Grands Bureaux. Mais cette association, dont le secrétaire est l’ingénieur Dubouchet, n’a pas la notoriété du RCL. Elle deviendra omnisport quelques années plus tard en s’associant avec ‘Gwiada’ sous le nom de l‘AS Lens … et la section ‘football’ devra quitter le stade des Mines pour celui de la cité de la fosse14.

   Car ce qu’on appelle aujourd’hui le stade Bollaert-Delelis n’a pas été édifié pour le RCL. En 1930, lorsque débute la construction du stade, le plus important club de football de la ville évolue en division d’honneur régionale. C’est un bon club amateur qui fut créé au début du siècle par des commerçants lensois afin d’offrir des structures à leurs lycéens ou étudiants de fils. Ses deux derniers présidents, René Moglia et Georges Renoult sont bonnetier et importateur de café à Lens.

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  Les rencontres se déroulent au stade de l’Est, à l’extrémité de l’Avenue Raoul Briquet dont la rénovation vient de se terminer. Il le partage avec le club municipal de l’USOL (Union Sportive et Ouvrière de Lens). Un autre stade sera construit par la ville à partir de 1933 sur l’Avenue de Liévin (qui deviendra Avenue Alfred Maës). Il disposera d’un vélodrome et sera mis à la disposition des ‘sociétés bénéficiant de l’aide de la municipalité’ et des enfants des écoles communales.

  Cette municipalité aide le Racing Club Lensois. Une subvention annuelle lui est allouée et il bénéficie de la gratuité de l’utilisation du stade Raoul Briquet pour les rencontres de l’équipe fanion mais aussi pour les entraînements et les matches d’équipes de jeunes. En 1931, alors que le stade des Mines est en construction, le RCL fête  ses vingt-cinq ans à la mairie de Lens où joueurs et dirigeants sont reçus par Alfred Maës et tous les élus. Un banquet de cent cinquante personnes parmi lesquelles on ne voit aucun des dirigeants de la société minière est offert dans la salle de l’Alambra. Il n’est pas envisageable à cette époque que ce club devienne un jour professionnel sous la houlette de la compagnie.

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  En ce début des années trente, Félix Bollaert et Ernest Cuvelette, Agent Général de la Société des Mines de Lens, adoptent les plans proposés par l’Ingénieur de la compagnie, Auguste Hanicotte. La construction du stade peut commencer. La compagnie ressent les effets de la crise de 1929 : la vente du charbon s’est considérablement ralentie. Mais la Société des Mines de Lens reste une des plus riches entreprises de France. Ce qui est produit ne sert qu’à constituer des stocks pour les jours meilleurs et de nombreux mineurs sont mis au chômage. Plusieurs grèves son déclenchées dans le bassin minier.

  Félix Bollaert prend alors la décision de faire construire le stade par ses ouvriers de la fosse 5 dont l’activité est totalement arrêtée. Ils sont ainsi cent quatre-vingt à rejoindre tous les jours le site de construction.

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  En 1933, cet immense complexe sportif est terminé. Il comporte un terrain principal engazonné entourée d’une piste d’athlétisme en terre battue et de deux zones de lancer et de saut. En allant vers la pépinière (site du jardin public actuel), on trouve un terrain de football et deux terrains de basket. Du côté de la cité minière du 9, une perche pour la pratique du tir à l’arc a été installée sur un terrain aménagé. Le tout est situé dans un site boisé où peut se pratiquer le cross-country. L’accès au stade s’effectue par une rue percée en direction de l’Avenue de Liévin du coté du centre-ville et par un pont étroit qui surplombe les voies ferrées des mines reliant les différentes fosses du côté de la cité du 9 bis.

  D’un côté du terrain principal, une tribune de six cents places assises a été édifiée. Tout autour de la pelouse, des gradins peuvent recevoir près de sept mille spectateurs dont deux cents d’entre eux sont abrités de la pluie grâce à deux petites tribunes du côté de la fosse 1.

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  Le terrain principal est appelé à recevoir les concours de gymnastique et d’athlétisme ainsi que les représentations de préparations militaires. Ainsi, les spectateurs peuvent apprécier les démonstrations de mouvements d’ensemble, les pyramides humaines, les défilés militaires ….

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   Le stade des Mines quelques années après son inauguration: la tribune d’honneur a été agrandie. En bas, la perche de tir à l’arc et les aires d’athlétisme encadrées par les lignes de chemin de fer (à droite celle des mines; à gauche, le ligne Lens-Dunkerque des Chemins de Fer du Nord). Derrière le stade principal, on aperçoit le terrain d’entraînement et les terrains de basket. A gauche, les installations de la fosse 1.

   La Compagnie de Lens met aussi ses installations à la disposition des Sociétés Gymniques des cités minières comme l’Association Saint Edouard (cité 12), la Société Sante Barbe (cité 4) ou le cercle Saint Pierre (cité 11). Les écoles des cités viennent aussi y pratiquer le sport. Y sont organisés des camps de vacances pour les enfants des mineurs. Ce stade est, après les Grands Bureaux, l’un des symboles de la puissance de la compagnie.

    Le 18 juin 1933 est le jour de l’inauguration du nouveau Stade des Mines de Lens.

   L’annonce de la manifestation est parue dans la presse locale comme le Journal de Lens : ″Nos concitoyens auront l’avantage de visiter et d’admirer le magnifique et grandiose parc des sports, édifié par la Société des Mines de Lens au cœur même de la ville″.

   Tout ne monde ne partage pas cette enthousiasme. La Tribune des Mineurs, le journal du syndicat, reproche en ces temps de crise financière ″des dépenses folles et inutiles pour ces vastes terrains de sport qui servent à l’occasion à faire des victimes en les laissant sur le pavé″. Félix Bollaert n’est pas du même avis : ″Notre jeunesse si nombreuse n’était pas à l’aise dans ses mouvements. Le stade qu’on inaugure aujourd’hui lui permettra de les perfectionner. ″

   Dès le matin du 18 juin, des messes spéciales sont dites à l’église Saint Leger, à la chapelle Sainte Elisabeth et à l’église Saint Barbe de la cité de la fosse 4. A 11 heures, un concours musical au carrefour de des Grands Bureaux et dans la rue Bollaert.

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  Le midi, dans la des salles des fêtes des Grands bureaux est offert un banquet par la compagnie. C’est à 13 h 30 que les portes sont ouvertes au nombreux public. Beaucoup de spectateurs arrivent par la gare Sainte Elisabeth, la Société des Miens de Lens a mis en place de nombreux trains supplémentaires.

   De nombreuses associations sportives dépendant des compagnies minières de la région sont invitées. Elles viennent de Barlin, Grenay, Billy-Montigny, Bruay, Meurchin, Loos-en-Gohelle, Liévin, Mazingarbe, etc. Des clubs ‘amis’ sont également présents comme le RC Arras ou le club de boxe de Calais. La qualité du spectacle est assurée avec la participation des champions du Bataillon de Joinville. On remarque aussi une forte délégation d’associations polonaises c’est pourquoi retentirent dans le stade, les hymnes nationaux français et polonais.

  Après un défilé de cinq mille gymnastes autour du stade, peuvent commencer les démonstrations sportives accompagnées par l’harmonie des Mines de Lens et par la fanfare Saint-Amé : Courses de plat et de haies, le grimper à la corde, le saut en hauteur, à la perche, lancer du disque, du javelot et du marteau, le saut du cheval. De nombreux prix d’une valeur totale de 40000 francs sont offerts aux meilleurs. Les garçons et les filles des écoles des Mines de Lens font une démonstration de mouvements d’ensemble.

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   A 21h30 débute la seconde partie de la journée avec une fête de nuit. Des spectacles de danses et de ballets sont présentés sur trois podiums installés sur le terrain principal.

   Mais aucun match de football n’est organisé lors de cette fête.

  Pourtant, on ne peut imaginer que Félix Bollaert n’a pas une idée derrière la tête. Depuis deux ans, les clubs sont ‘autorisés à rémunérer leurs joueurs’. Certaines grandes entreprises, comme Peugeot à Sochaux, se sont lancées dans l’aventure du football professionnel. Au Racing Club Lensois, Jules Van den Weghe, fils du premier président du club, a remplacé Renoult.

   En 1933, le nouveau président a inscrit le RCL comme prétendant au professionnalisme mais comme il s’y est pris trop tard, le club n’a pu être engagé dans le championnat national. Cela ne convient pas à tous, le journal socialiste ‘le Populaire’ écrit le 3 mars 1934 : ″La saison prochaine, le RC Lens, l’US Boulogne, le FC Dieppe et le Stade Malherbe de Caen accèderont au professionnalisme. Encore quatre qui n’ont rien compris″.

   Le 10 mars 1934, une réunion est organisée entre les représentants de la Société des Mines et les dirigeants du club. La compagnie est prête à subventionner le club, à offrir à l’équipe première ses installations du Stade des Mines et à proposer à tous les joueurs professionnels un emploi dans la société. Les commerçants lensois acceptent à la condition de continuer à être partenaires. Jules Van den Weghe cède sa place de Président à Louis Brossard, un ingénieur de la Compagnie des Mines, le siège social du club est transféré dans les Grands Bureaux.

   Le dimanche 26 août 1934, le Racing Club de Lens reçoit au Stade des Mines le Racing Club de Calais pour la première journée du championnat professionnel de deuxième division. Les deux équipes se quittent sur un match nul de deux buts partout. Les dessinateurs humoristiques d’alors peuvent se laisser aller à leur inspiration.

dessin

   Le mariage entre le stade des Mines et le Racing est définitivement scellé. Le stade et le club vont devenir des éléments incontournables dans la besace de la compagnie qui n’hésite pas à démontrer que le RCL est maintenant ‘son’ club.

RCL a la mine

Les footballeurs de Lens et de Sochaux sont invités à visiter les galeries de la fosse 2

   Mariage entre la société minière et le RCL donc mais le divorce entre le club et la ville est consommé. Alfred Maës, qui refusera toujours d’assister à un match de ‘l’équipe de la compagnie’ pour ne pas être accusé de connivence avec ses dirigeants, envoie un courrier au club dans lequel il lui demande de libérer le stade de l’Est de ses équipes de jeunes afin de donner la place à l’USOL, le club municipal. Plus aucune subvention, plus aucune aide ne sera apportée par la ville au RCL jusqu’au début des années cinquante et l’arrivée du Docteur Ernest Schaffner à la tête de la municipalité. Cela n’empêche pas que toutes les deux semaines, le dimanche après-midi, des milliers de gueules noires se passionnent pour leur équipe.

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  En 1934, après une victoire au stade des Mines contre l’équipe de Metz, un journaliste parisien écrit : ″Quel enthousiasme parmi cette rude population qui sait peiner toute la semaine mais veut aussi laisser libre court à son trop plein de vie le dimanche quand l’équipe chérie, l’équipe au maillot sang et or joue chez elle et marque de précieux points. On est comme ça dans le pays minier où le football et le cinéma ont tout détrôné. La foule quitta le stade pour rejoindre la cité minière, grouillante de vie, pleine d’une joie qui ne demandait qu’à s’éclater″.

  Le 26 décembre 1936 à Paris, Félix Bollaert décède à l’âge de quatre-vingt un ans. En son honneur, la compagnie minière de Lens décide donner son nom au stade des Mines.

   C’est alors que les termes ‘Stade Bollaert’ et ‘Sang et Or’ deviennent inséparables.

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Lens-Bastia en Coupe de France, c’était en 1972

Posté par Le Lensois Normand le 7 janvier 2014

   Lorsque j’ai appris le résultat du tirage au sort des seizièmes de finale de la coupe de France de football, de nombreux souvenirs me sont revenus. Le RC Lens affrontera dans quelques jours l’équipe de Bastia. Loin de vouloir relancer d’anciennes rancœurs ou des envies d’affrontements, je ne peux laisser passer l’occasion de relater cette page d’histoire, de notre histoire à nous, les lensois.

   Je me retrouve tout à coup quarante-deux ans en arrière, le dimanche 14 mai 1972.

   Quelques années auparavant, notre RC Lens a bien failli mourir. Les HBNPC, ‘les mines’ comme nous disions, vivaient leurs derniers moments et avaient décidé de grandes coupes dans leurs finances. Le Racing était sacrifié comme l’avaient été la quasi-totalité des chevalets de nos cités.

   Et pas de Mamadov en ces temps là ! C’est le Maire de Lens d’alors, André Delelis, qui prend les choses en main. Lens ne pouvait se passer de la seule attraction qui, toutes les deux semaines, attirait des milliers de mineurs ‘aux matches’.

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   Le club continuerait d’exister, d’abord en vivotant dans le championnat de France des équipes d’amateurs. Au début des années soixante-dix, une réforme de l’organisation des compétitions permet au RCL de disputer le championnat national, la seconde division de l’époque qui regroupait en deux groupes des équipes professionnelles et les meilleurs clubs amateurs.

   C’est dans ce championnat qu’évoluent les Sang et Or lors de la saison 1971-1972. Plutôt pas mal, d’ailleurs : ils terminent la saison à la troisième place.

   La Coupe de France s’ajoute au plaisir des supporters. Les équipes de Quevilly, Châteauroux, Mantes-la-Ville et du Red-Star de Saint Ouen subissent la loi des joueurs lensois.

  Ils sont plutôt talentueux, ‘nos’ joueurs et possèdent surtout l’esprit d’équipe et la volonté de s’en sortir des hommes du pays minier.

   Point de recrues issues d’autres continents à cette époque. Nos renforts  étrangers viennent d’un pays connu et ami : la Pologne. C’est souvent de là-bas que sont arrivés ceux qui, au fond, grattaient les parois noires et poussiéreuses des galeries avec les mineurs français. Ils sont venus et se sont installés, faisant du Bassin Minier leur seconde patrie.

   Dans l’effectif du club de 1972, les Lannoy, Lhote, Macquart, Hédé ou Elie côtoient plusieurs joueurs d’origine polonaise, de ‘la deuxième génération’ comme on dirait aujourd’hui : Kalek, Cieselski, Marzalec, Janizewski, Wolniak, Zuraszek.  Leur entraîneur aussi était venu de là-bas pour extraire l’or noir avant d’avoir la chance d’être repéré d’abord comme un excellent gardien de but puis comme un très bon meneur d’hommes : Arnold Sowinski.

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   Pour élever le niveau de l’équipe, les dirigeants ont fait venir deux joueurs du pays de la mer Baltique. Nos immigrés d’alors se nomment Eugenius Faber et Richard Gregorczyk, deux hommes qui symboliseront le renouveau du Racing.

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   Leur talent et leur courage exemplaire font de ces deux joueurs des pièces indispensables de l’effectif. Ils sont donc présents lors du match ‘aller’ de cette demi-finale de la Coupe de France au stade Furiani de Bastia le 10 mai.

   L’ambiance est électrique. Les jeunes joueurs lensois sont impressionnés, l’arbitre peut-être aussi.

   Peu de lensois verront ce match : il n’y a pas de retransmission télévisée à l’époque. C’est l’oreille collée au transistor que les lensois apprennent par Jean Crinon, le fougueux et explosif reporter de Radio Lille que les bastiais remportent le match pas trois buts à zéro.

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   Mais les lensois apprennent aussi que l’ambiance en dehors du terrain a été terrible. Un climat ‘anti-Lensois’, issu d’un climat ‘anti-continent’ régnait partout en ville. On racontera que des voitures immatriculées ‘62’ ont été jetées dans le port de Bastia. Humiliés, battus et vexés, tous les lensois le sont alors.

  En réponse, pour le match ‘retour’, ils vont se mobiliser. Henri Trannin, dirigeant emblématique du club, lance un appel au peuple. Ce n’est pas le RCL qui a été humilié en Corse, c’est tout le Bassin Minier. Il faut que les ‘gueules noires’ se regroupent et prouvent au pays entier qu’ils ne sont pas morts.

   La veille du match, une indiscrétion permet de savoir que la délégation corse passerait la nuit à l’Hôtel de Flandre, près de la Gare. La nouvelle fait tâche d’huile. Les lensois se relaient sous les fenêtres, utilisent tous les moyens pour faire du bruit : klaxons, trompettes, pétards, tonneaux roulés sur les pavés…. A tel point que les responsables du club corse décident de faire transférer leur délégation à Arras afin de pouvoir dormir un peu.

hotelflandre

   Le dimanche 14 mai, les lensois mangent tôt bien que le match ne soit programmé qu’à dix-sept heures. Il faut être de bonne heure au stade pour avoir une place car il n’y a pas encore de réservations. On sait aussi que l’on va rester plusieurs heures debout : les places assises, ‘c’est pour les riches’ !

premiere

   De notre maison des corons de la fosse 14, nous partons à pied. Près de quarante-cinq minutes de marche ne nous font pas peur. De toute manière, on n’aurait pas trouvé de place pour se garer, même pour ma petite 4L.

   Nous descendons par la Route de La Bassée en groupe. Mes sœurs, des copains, celui qui allait devenir mon beau-frère, celle qui allait devenir mon épouse et mon père qui, a soixante-dix ans, n’aurait surtout pas voulu rater cet événement de portée ‘lensoise’. Ce fut son dernier match à au stade Bollaert.

   En passant devant la gare Sainte Elisabeth et le carreau de la fosse 1 fermée et remblayée l’année précédente, on sent que la tension monte. Ce ne sera pas un match ordinaire ! Tout Lens est là. Nous serons plus de 22000 dans les gradins, serrés comme des sardines.

   A l’entrée, on achète le journal du club, ‘Sang et Or’ que l’on conservera en souvenir.

sangetor

   Nous avons trouvé des places ‘en secondes’, la tribune couverte de tôles face à la tribune officielle. C’est là que se regroupaient déjà les groupes de supporters.

seconde

   La foule est partout : sur les toits des tribunes, sur les poteaux d’éclairages, dans les arbres mais aussi sur la pelouse même tout proche des lignes délimitant l’aire de jeu. Aujourd’hui, il est certain que l’arbitre du match, Monsieur Debroas, n’aurait pas donné le coup d’envoi de la rencontre pour des raisons de sécurité.

pelouse

   Lorsque les équipes pénètrent sur la pelouse, c’est une bronca énorme : le stade Bollaert en tremble sur ses bases. Chaque action lensoise est vivement encouragée. Chaque action corse est huée et sifflée.

lesequipes

   Le gardien de but corse d’origine yougoslave se nomme Pantélic. Une grande banderole est installée derrière le but : ‘Pantélic, pends tes loques’. L’homme passera la rencontre à sauter pour éviter les nombreux pétards lancés dans ses jambes par les spectateurs sous les yeux quasi indifférents de quelques rares policiers. Sur une autre banderole était écrit : ‘Allo Napoléon, ici Waterloo’’.

pantelic2

   Dans les tribunes, un petit groupe d’hommes est repéré comme étant des supporters corses. Quelques lensois avaient prévu : des litres d’eau se déversent sur eux avant qu’ils ne soient aspergés de sacs de farine !

   Mais tous ces événements ne sont en aucun cas méchants, il n’y aura aucun blessé, aucune bagarre. Cette ‘revanche’ n’est finalement qu’une grande fête comme seuls les chtis savent en faire.

   Le déroulement du match ne restera pas le principal des souvenirs. Lens marqua deux fois en première mi-temps par Faber et Zuraszek. Après chaque but, la pelouse est envahie par ces milliers d’inconditionnels.

   La deuxième mi-temps ne permet pas aux joueurs du RCL de marquer le troisième but tant espéré. La partie se termine avec une élimination mais avec le sentiment que les gens du Pays Noir ont, devant toute la France, largement lavé l’affront de Furiani.

elimination

  C’est fini ! Les spectateurs quittent le stade lentement, serrés les uns contre les autres le long de la rue menant au pont Césarine comme lors d’une procession funèbre. Parmi les nombreux commentaires, on entend souvent : ‘On a sauvé NOTRE honneur !’. Notre groupe remonte la Route de La Bassée, un peu déçu par cette élimination mais, déjà à l’époque, ‘’fiers d’être lensois’’.

Publié dans Histoire, La famille, Le Racing, Lens, Les Sports | 1 Commentaire »

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