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1914-1918 : quatre années d’enfer à Lens (6)

Posté par Le Lensois Normand le 28 juillet 2014

6) L’évacuation puis la libération de Lens

   Début 1917, il ne reste plus que 10000 habitants à Lens. C’est à cette période que les soldats allemands semblent perdre définitivement le moral. Ils abandonnent leurs grandes idées de conquête de la France et commencent à envisager la défaite. Certes, les alliés n’avancent toujours pas, Lens est loin d’être libéré mais la lassitude se lit sur les visages et la crainte de ne jamais revoir leur pays leur est de plus en plus pesante.

    A partir d’avril 1917, Lens est de plus en plus une zone de combat. Les Allemands qui s’y sont repliés dynamitent plusieurs quartiers de la ville pour dégager leurs champs de tir. Ce qui reste de la ville est entièrement détruit par les pilonnages des artilleries françaises, britanniques et canadiennes. Devant le feu de plus en plus nourri des alliés, les autorités allemandes décident de vider totalement Lens de ses civils. En février, 6000 habitants sont évacués. Le 7 avril, tous les malades et blessés de l’hôpital sont transportés à Billy-Montigny.

    Le  9 avril, les forces canadiennes sont victorieuses à Vimy. L’ordre d’évacuation des 4000 derniers Lensois restés sur place est donné.

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    Le 11 avril, les derniers habitants se rassemblent devant la mairie installée dans les locaux de la Banque de France, rue de la Paix. Des convois de 350 personnes sont constitués et s’ébranlent chacun leur tour vers une destination inconnue sous la conduite de hussards à cheval.

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     Le long de la route qui mène à Sallaumines, ce n’est que misère et désolation. Des femmes, des enfants, des vieillards tentent d’avancer péniblement dans le bourbier sur des routes défoncées par les bombardements et traversent le lugubre cimetière-est aux tombes dévastées. Ils ont pris avec eux le strict minimum, ils n’avaient droit qu’à un seul bagage. Certains ont volontairement détruit les objets qu’ils ne pouvaient emporter pour que les Allemands ne puissent pas s’en emparer.

    Lors de la traversée du pont de Douai, un enfant glisse de la charrette où il était agrippé. Le chargement bascule et tombe sur lui, le blessant à mort. Sa maman tente de lui porter secours. Voyant que cela allait retarder le convoi, un soldat allemand écarte la pauvre femme, saisit le corps inerte de l’enfant et le jette dans le canal. La mère n’a d’autres ressources que de plonger dans l’eau glacée du canal. Elle ne remontera jamais.

   Les Allemands qui organisent les départs réalisent un dernier forfait. Obligeant Émile Basly à tout abandonner sur place, prétextant qu’ils n’avaient pas de véhicules à lui fournir, ils en profitent pour piller les locaux de la Banque de France et y dérober la recette municipale estimée à 98000 francs, les archives de la ville, les livres et objets d’art appartenant à la commune.

   Le 12 avril à midi, officiellement, il ne reste plus aucun civil dans la cité. Des témoignages rapporteront que quelques habitants se sont terrés dans les décombres afin de ne pas être évacués. On n’en retrouvera aucun.

    Le cauchemar est fini pour les réfugiés lensois mais à quel prix !

  Les combats continuent dans une ville fantôme. Le 15 août 1917, les troupes canadiennes font une percée au nord-ouest et reprennent la côte 70, libérant les cités 11, 12 et 14. Le 21, c’est au tour des cités 4 et 9 d’être reprises.

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   Mais l’hiver est long, sans progression supplémentaire. Le front allemand tient encore plusieurs mois.

   Au printemps 1918, les combats de rues au corps-à-corps font avancer les alliés jusqu’au boulevard des Écoles. Les Allemands sont retranchés au nord-est de la ville, entre la Grand-Place, le Grand Condé et le pont de Douai. Ils profitent des rares moments de calme pour détruire ce qui reste de la cité et poser des mines.

   Les quelques immeubles restés debout s’écroulent, des explosifs sont jetés dans les égouts, les voies de communication, les lignes ferroviaires sont dynamitées. Lens n’est plus qu’un amas de ruine.

     Fin août, l’avance continue, les Allemands ne tiennent plus que l’est de Lens au niveau du pont de Douai. Ils sont constamment pilonnés. En septembre, les Anglais sont à Avion. Le 3 octobre, l’armée allemande bat en retraite en direction de Sallaumines et abandonne peu à peu la ville, emmenant avec elle tout ce qu’elle peut.

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   Les anglais à l’est, les Canadiens à l’ouest avancent et font de nombreux prisonniers.

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     C’est le 3 octobre 1918 à cinq heures du matin, après une dernière attaque par le sud de la ville, que les premiers soldats anglais entrent dans Lens par la rue d’Avion.

    L’occupation allemande de Lens se termine là où elle avait commencé quatre ans plus tôt mais aucun Lensois n’est présent pour fêter la libération.

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   Lens est libéré mais Lens est pulvérisé. De toutes les villes du front français, Lens est probablement celle où les destructions ont été les plus importantes. Un journaliste du Petit Parisien commente : ‘‘Lens est une nécropole complètement rasée. La vie y est morte ! ».

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    Le même jour, Émile Basly, de la mairie provisoire rue de Hanovre à Paris, déclare à la presse :  »Ainsi, l’heure de la libération a sonné. Jamais, nous n’avions douté qu’elle viendrait. Aujourd’hui, notre plus grand espoir est réalisé. Et pourtant, je n’ose évoquer ma ville. Hélas ! Cité, elle n’est plus. Qu’importe, le sol est libre, nous la relèverons ».

   Le premier décembre 1918, Ernest, Angélique et leurs deux enfants arrivent à Lens par ce qu’il reste de la route d’Arras. Accompagnés de trois gendarmes, ils passent leur première nuit dans leur ville libérée.

    Les courageux Lensois entreprennent dès la fin du conflit la reconstruction de leur ville.

            Mais cela, c’est une autre histoire ……………

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Article d’Albert Londres, envoyé spécial,  paru dans ‘Le Petit Journal’ du 5 octobre 1918 :

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PLUS RIEN… C’EST LENS

             » Lens est fantastique ! Il reste dix-sept fenêtres de rez-de-chaussée, une fenêtre de premier étage, un numéro de rue -un seul, pas deux-, le numéro 14, une clochette d’enfant de chœur. Un morceau d’enseigne où l’on peut encore lire deux lettres : les lettres S et O et, gisant sur les barbelés, une vieille tenture rouge et blanche. C’est tout.

            C’est étonnant. C’est un immense fouillis de bois et de briques. C’est une destruction échevelée, ébouriffée. Lens est aux autres villes ruinées du front ce qu’une forêt vierge est à une forêt domestique. Ce n’est même plus émouvant. Par quoi voulez-vous être ému ? Ce qui émeut, c’est ce qu’on retrouve d’un drame, ce sont les épaves, c’est une poupée à qui pense un enfant, c’est un portrait, c’est le contour des choses qui furent. Ici, plus de contour.

            On peut subitement se rappeler et pleurer quand on vous conduit devant le cadavre d’un de vos amis, mais si on vous mène devant une urne où sont ses cendres, il vous faudra de la réflexion pour que vous vous sentiez frappé. Ainsi, êtes-vous devant Lens.

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Des petits tas de ruines

            Vous y entrez par la cité des Moulins où tout est moulu et vous continuez. Plutôt, vous essayez de continuer. Car pour pénétrer dans Lens, il ne suffit pas d’en avoir le désir. Il convient avant tout de posséder un coup d’œil et des membres souples.  Ce coup d’œil vous servira à repérer où sont les rues et les membres souples à y circuler. Je ne connaissais aucun habitant de Lens. J’ignorais leur caractère mais s’il est est d’envieux, qu’ils cessent de l’être. Cette fois ci, plus de jaloux : tout est au même niveau. Dans les villes du pays minier, terre de corons, pas un toit ne dépassait l’autre. C’est aujourd’hui la même égalité dans la ruine. Le petit tas de ruines d’une maison n’est pas plus haut que le petit tas de ruine d’une autre. Les petits tas sont même identiquement pareils. On croirait qu’au dessus de ces demeures qui se tiennent le long des rues, le même homme est passé et a laissé tomber sur chaque, sans en oublier une, le même poids qui l’a effondrée. Grâce aux rails du tramway, après dix minutes de recherches et d’acrobaties au dessus d’amas épineux, nous avons découvert ce qui était la rue principale.

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A la recherche de l’hôtel de ville et de l’église 

            Tachons de trouver le centre. Nous y sommes, nous dit-on. Dans ces cas là, les professionnels de ces voyages au pays des formidables malheurs ont deux points qui vous guident : l’église et l’hôtel de ville. Nous avions beau scruter : nous n’apercevions rien. Dans cette même chose chaotique qui fut la grande rue, nous avancions. Nous n’avions pas l’impression d’être dans une ville affaissée puisque tout était à notre hauteur. Plus rien ne bouchait l’horizon. D’un bout de l’ancienne cité, pas dessus ses restes, nous pouvions voir l’autre bout. Mais voilà un tas de ruines plus haut que les autres et les paris s’ouvrent. Était-ce l’église ? Était-ce l’hôtel de ville ? Impossible de le dire. Mais plus loin, voilà un pan de mur qui ne ressemble pas aux autres. Qu’est-ce que cela pouvait être ? Par le soubassement se voyaient quelques grosses pierres taillées comme on taille généralement les soubassements des monuments publics. Nous avons décrété que c’était l’hôtel de ville et par là, nous avons reconnu que la petite montagne de brique tout à l’heure était l’église.

            L’égalité dans les ruines après s’est rétablie. Lens comptait 35000 citoyens. Heureusement que la géographie nous l’affirme sans quoi je vous aurai juré que la ville n’avait jamais été habitée. Il n’y a pas un meuble. On ne retrouve pas un barreau de chaise, pas un ustensile de ménage. Il ne subsiste plus la moindre petite trace de l’occupation humaine.

            La victoire réglera tout ça.  »

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       Le 30 août 1919, la Ville de Lens reçoit la Croix de Chevalier de la Légion d’Honneur et la Croix de Guerre 1914-1918 avec Palmes avec cette citation :

     »Ville glorieuse qui peut être considérée comme un modèle d’héroïsme et de foi patriotique. Tombée au pouvoir des Allemands dès les premières heures de l’invasion de 1914, a été, pendant quatre ans, tour à tour, témoin ou enjeu d’une lutte sans merci. Organisée par l’ennemi en formidable réduit de défense, libéré en partie par une offensive alliée, meurtrie est écrasée au cours de combats incessants, n’a jamais douté du sort de la Patrie. »

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1914-1918 : quatre années d’enfer à Lens (3)

Posté par Le Lensois Normand le 3 juillet 2014

3) Les premières destructions

     Plus de mines, plus de travail ! La misère s’installe rapidement dans les corons. Puis elle se propage en ville où les commerçants, n’ayant plus de clients et dévalisés par les allemands, connaissent aussi la faillite.

   La municipalité lensoise, avec à sa tête Emile Basly, organise la distribution de nourriture. D’abord le pain en ouvrant des boulangeries municipales dans les écoles Campan et Carnot puis dans la salle des fêtes de l’Alcazar. Là, les Lensois peuvent retirer le pain de leur famille contre un bon de la mairie.

017 bon boulangerie

   Puis, une épicerie municipale est installée dans la loge du concierge de la mairie, dans laquelle les Lensois peuvent se procurer légumes, café ou lait à moindre prix. Emile Basly, habillé de la blouse blanche et de la toque de l’épicier, la dirige en personne. Cette idée d’épicerie municipale et sociale ne fait pas l’unanimité à Lens. Léon Tacquet, le notaire conservateur, dans son journal édité sous le titre « Dans la Fournaise de Lens » par l’association Gauheria n’hésite pas à critiquer l’initiative  et nomme à plusieurs reprises le maire socialiste de Lens  »L’épicier ».

018 Basly épicier

   Mais l’épicerie municipale permet aux Lensois de manger. Chaque jour, des centaines de femmes viennent y chercher quelque nourriture. Nombreuses sont celles qui arrivent des corons, elles assurent le ravitaillement pour tout un quartier. Pour cela, elles n’hésitent pas à traverser les lignes de front sous les tirs croisés des artilleries.

   Les plus chanceuses reviennent avec leurs maigres victuailles, d’autres sont dévalisées sans vergogne par d’avides soldats, d’autres encore sont blessées par des tirs sans savoir s’ils sont allemands ou français. D’autres ne reviennent jamais nourrir leurs enfants, elles sont retrouvées mortes, le panier à la main sur le champ de bataille.

   A la fin de l’année 1914, les allemands imaginent que l’occupation de la ville de Lens sera de tout repos, les combats ayant plus souvent lieu dans les plaines en périphérie de la commune.  Mais afin d’éliminer un maximum d’ennemis, les troupes alliées prennent la ville comme objectif au grand dam des habitants.

019 premiers dégâts dans Lens

   Les lignes de front sont toute proches au nord et à l’ouest de Lens. Des fenêtres de leurs corons, les habitants des cités 12, 14 ou 11 peuvent apercevoir les soldats français et leurs tranchées.

019 tranchées

   Les allemands ont installé des postes de défense dans plusieurs points de la ville, postes que l’artillerie alliée tente également de détruire.

    Tous les jours, des obus tombent sur la cité et les corons. Peu à peu, les constructions affichent leurs cicatrices. Basly écrit :  »La dévastation de Lens commença, la ville trembla sous les projectiles et les maisons croulèrent dans de grands fracas… Sous l’averse de fer, des appels lourds, torturants. Puis régnait un vaste silence : la mort était là ».

    La gare, que les allemands avaient transformée en écurie, le centre ville, devenu position fortifiée, les commerces fermés et abandonnés s’affaissent petit à petit. Rien n’est encore irréparable et les Lensois ne s’imaginent pas encore que dans quatre ans toutes ces constructions seront réduites à l’état de ruine.

020 gare écurie

    Les destructions sont en majorité occasionnées par les obus des régiments français, mais il arrive souvent que les obus des soldats allemands tirant sur les aéroplanes anglais retombent sur les habitations sans avoir explosé,, occasionnant de gros dégâts.

    Dans la cité du Moulin (cité de la fosse 4), sur la place du jeu de Paume, un avion anglais largue un obus sur un groupe de soldats allemands. Quelques uns sont tués mais aussi une femme et son enfant qui passaient par là par hasard. Dès lors, les autorités allemandes exigent la présence de civils français lors de chaque rassemblement de troupe.

    Début 1915, Emile Basly est convoqué à la Kommandantur. Un officier lui annonce que la ville de Lens est imposée pour contribution de guerre et doit payer la somme de 900000 francs. Les Lensois, riches et pauvres apportent leurs économies à la mairie où, en échange d’un dépôt d’argent, ils reçoivent un bon communal remboursable après la guerre. La compagnie des Mines de Lens apporte sa contribution en sollicitant des emprunts auprès des banques et émet aussi des bons de nécessité.

021 bons communaux

   Ces bons servent aussi à payer les allocations aux mobilisés, aux familles nombreuses, aux chômeurs ou aux infirmes. Acceptés comme moyen de paiement par les commerçants, les Lensois les utilisent pour se procurer un peu de nourriture.

   A la même époque, on voit les premières pierres quitter les murs de l’imposante église Saint Leger. Les allemands ont installé un poste d’observation en haut du clocher. Peu à peu, ce qui était à l’époque le bâtiment le plus imposant de la ville et le point de repère de nombreux Lensois perd de sa superbe. Le 18 janvier 1916, une pluie d’obus tombe sur l’église. L’intérieur doit d’abord en subir les conséquences et les nombreux objets de culte, le mobilier, les orgues sont réduits en miettes. Puis c’est au tour du clocher et de la toiture de s’effondrer sous les bombes, il ne reste alors de ce que les allemands appelaient « Die Kathedrale » que les murs. Enfin, le squelette de l’église s’écroule avec le reste jusqu’à ce que l’on ne trouve à sa place qu’un immense tas de gravas.

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    Cette église, interdite aux français, est fréquentée jusqu’à sa destruction par les allemands, très catholiques. Chaque dimanche, des messes dites par un prêtre militaire sont suivies par près de 1500 officiers et soldats.

    Pour assurer les offices réservés aux français, le chanoine Occre utilise la chapelle de l’hospice. En avril 1916, un lieu de culte est aménagé dans une des grandes caves de la ville, celle des établissements Pollet-Dekoster rue Voltaire. Il prend pour nom « Saint Léger sous Terre ».

022 eglise st leger sous terre

    L’église Saint Pierre de la cité 11 est la première touchée. Elle se situe sur la ligne de front et reçoit les pièces d’artillerie des deux armées.

023 eglise St Pierre

    Quelques semaines plus tard, c’est au tour de l’église Saint Théodore de la cité 9 d’être totalement détruite. Les tirs alliés ont visé les canons que les allemands avaient postés autour de l’édifice et dans son clocher.

   Les autres églises des cités minières, Saint Edouard dans la cité de la fosse 12, Sainte Barbe au 4 et Saint Pierre au 11 ainsi que la chapelle de Notre-Dame des Mines de la cité du Grand Condé subiront le même sort.

   Du côté de la rue Bollaert, le 5 janvier 1915, ce sont les grands bureaux des mines qui disparaissent du paysage. Un obus tombé dans la salle des archives met le feu au bâtiment. Comme il n’y a plus de caserne de pompiers à Lens, l’immeuble entier brûle et finit par s’effondrer.

023 2 Grands Bureaux

   En août, les écoles Michelet, Campan et la maison des Associations situées sur le boulevard des Écoles sont détruites et rendues inutilisables.

    Chaque jour, des dizaines de soldats prisonniers alliés défilent dans Lens encadrés de gardes allemands. Chaque jour, d’autres militaires, blessés sont admis à l’hospice. Chaque jour, certains y sont amputés. Chaque jour, d’autres y meurent.

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Le petit garçon à l’hôpital de Lens

Posté par Le Lensois Normand le 2 avril 2014

    La mémoire est une fonction du cerveau très compliquée. Pourquoi un souvenir stocké pendant des années ressurgit un jour à la simple vue d’un document, d’un objet ou d’une image ? C’est ce qui m’est arrivé il y a peu de temps. La découverte, au service des archives municipales de Lens de la photo d’une ancienne salle d’opération de l’hôpital Schaffner a fait revenir à la surface l’histoire totalement véridique ci-dessous.

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   Les années cinquante touchent à leur fin. Dans un coron de la cité de la fosse 14, un petit garçon a mal au ventre depuis plusieurs jours. Sa maman décide de faire quérir le médecin des mines.

   Le docteur Montagne arrive, son éternelle cigarette vissée au bec. La maman explique : ″Mal au ventre, vomissements, température…″.

   Le docteur fait allonger le garçon sur la table de la salle à manger et l’ausculte. Son verdict : ″Appendicite, opération, hospitalisation.″ Il s’assoit, allume une nouvelle cigarette et rempli les papiers.

   Quelques jours plus tard, le petit garçon est couché dans une chambre à deux lits de l’hôpital cher au Docteur Schaffner. Il n’a pas peur, il est plutôt impressionné par toutes ces personnes en blouse blanche qui s’occupent de lui. Dans le lit voisin, un autre garçon, un ‘vieux’ de treize ou quatorze ans qu’il connait de vue. Il doit être aussi de la ‘fosse 14’.

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   Le lendemain, deux hommes en blancs viennent chercher le petit garçon, le couche sur un chariot, le sangle, le conduisent à travers les couloirs de l’hôpital, prennent les ascenseurs.

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   Le petit garçon est installé dans une grande salle bizarre où on l’allonge sur une table. Une énorme lampe est allumée au dessus de lui et l’éblouit. Une dame lui parle gentiment, lui fait une piqure dans le bras. Au revoir…  il dort.

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   La suite, c’est sa maman qui lui a raconté beaucoup plus tard. Le jour de l’opération, dès l’heure du début des visites autorisées, elle arrive dans la chambre. Le lit du garçon est défait, les couvertures jetées de travers. Où est-il ? Elle interroge son voisin de lit. ″Ils l’ont repris, son cœur s’est arrêté de battre !″. La maman a les jambes coupées, elle s’effondre sur le lit !

   On vient vite la rassurer, le garçon va bien. Il a eu un problème au moment de se réveiller et est en salle de réanimation. Peu de temps après, il est de retour dans sa chambre et se demande pourquoi tant d’agitation et de larmes autour de lui. On ne saura jamais ce qui s’est passé. On apprendra plus tard qu’au moment de lui ouvrir le ventre, un cas urgent est arrivé et que son opération a été retardée de quelques heures. Est la cause du malaise ?

   Aujourd’hui, le petit garçon est devenu vieux mais quand il passe devant l’entrée de l’hôpital de Lens, sur la route de La Bassée, il se souvient qu’un jour ici, il a fait pleurer sa mère ……

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   C’était à Lens à la fin des années cinquante !

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Les amis du lensois normand

Posté par Le Lensois Normand le 30 octobre 2013

   A ce jour, l’ensemble des tomes du blog du lensois-normand a recueilli plus de 320 000 visites. Alors, rien que pour vous, quelques liens et nouvelles d’amis de ce lensois-normand.

   Sur Internet, retrouvez d’abord un site superbe (bien que toujours en construction m’a dit son auteur, la petite fille du fondateur de la société) sur les transports Abel Biervois de Lens. Un historique complet, des documents inédits et une galerie photos superbe. C’est à voir sur : http://www.biervois.fr/

 Les amis du lensois normand dans La ville biervois

  Autre site : le Racing Club de Lens vu autrement.  »TeamFoot offre une tribune d’expression aux passionnés » annonce la page d’accueil du blog créé par un supporter du RCL exilé au Québec. C’est ici : http://www.teamfoot.fr/

logo_lens dans Le Racing

   Une artiste lensoise mérite qu’on aille à sa rencontre. Après avoir exposé ses peintures et sculptures à Liévin cet automne, Guislaine LEROSIER sera de la fête lors de l’inauguration des nouveaux vitraux de l’église Saint Amé du 3 de Lens à Liévin le 4 décembre prochain. Une exposition inspirée de la vie des mineurs. Admirez ses œuvres ici : http://guislaine.over-blog.com/

lerosier dans Lens

   Noël approche et la Société Chorale Lensoise (son histoire sur le blog du lensois normand : http://lelensoisnormandtome3.unblog.fr/search/chorale) va donner comme chaque année plusieurs concerts  »Trompette, choeurs et orgue » dans la région. Les dates arrêtées pour l’instant sont :

      – Le 6 décembre à l’église St Théodore de Lens (cité du 9).

      – Le 13 décembre au Temple d’Hénin-Beaumont

      – Le 14 décembre à l’église St Denis d’Avion

   Vous pouvez retrouver la Chorale Lensoise sur Facebook : https://www.facebook.com/pages/Chorale-Lensoise/105714189490859?fref=ts

choraleeglise2 dans Les Amis

    Un autre lien qui n’a rien à voir avec Lens (si, un peu quand même !) et dont je connais parfaitement l’auteur. Le travail du bois par le chantournage permet de réaliser jeux, jouets, décorations ….  Quelques idées cadeau pour Noël ? C’est à voir ici : http://chantournage.over-blog.fr/

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    Enfin, le site des archives de la ville de Lens avec de magnifiques vidéos anciennes qui nous rappelleront l’histoire de Lens (les géants, les ducasse, l’Apollo, le patrimoine minier, le Tour de France, etc …). A voir absolument (http://www.villedelens.fr/histoire/les-archives-municipales.html)

   Dans le cadre du centenaire du début de la Première Guerre Mondiale et de l’occupation de Lens par les allemands le 4 octobre 1914, le Services des Archives recherche toutes sortes de documents d’époque (objets, textes, photos, correspondances …). Si vous en possédez, contactez le service des archives par mail : adavid@mairie-lens.fr

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Moïse DUPUIS, Suzanne LEFORT, artistes mais discrets

Posté par Le Lensois Normand le 30 mai 2013

MOÏSE DUPUIS

   Peu de Lensois doivent connaître Moïse Dupuis. J’avoue que moi-même je ne le connaissais pas avant d’étudier l’histoire de Lens et des hommes qui l’ont fait. Il fait partie de ces inconnus qui ont donné de leur temps et de leur talent pour que vive la culture dans la capitale du Pays Minier. C’est Gérard Delmarre, aujourd’hui Président et Directeur de la Société Chorale Lensoise qui nous parle de Moïse Dupuis.

Moïse DUPUIS, Suzanne LEFORT, artistes mais discrets dans Histoire dupuis-011

    Moïse Dupuis est né à Cauchy-à-la-Tour le 2 mars 1921. Il arrive à Lens avec ses parents alors qu’il est encore enfant, son père ayant trouvé du travail à la Compagnie des Mines.

   Doué pour la musique et doté d’une oreille exceptionnelle, c’est très jeune qu’il entre dans la classe de clarinette du conservatoire de Lille puis, très rapidement, au conservatoire de Paris. Il se forge une belle réputation de clarinettiste mais aussi de pianiste, à tel point que, le jour du concours pour obtenir le diplôme couronnant les trois années d’études dans la classe de clarinette du conservatoire de Paris, il accompagne lui-même ses camarades.

    Parallèlement, il y suit aussi les cours d’harmonie et de contrepoint (écritures musicales) pour s’ouvrir une carrière de compositeur et de chef d’orchestre.

    C’est à cette période que Moïse Dupuis rencontre à Liévin Suzanne Lefort. Elle habite non loin de chez Alfréda Douchain, celle qui deviendra un peu plus tard Madame Dupuis. La voix de Suzanne Lefort est extraordinaire. Moïse réussit à convaincre ses parents de l’inscrire au Conservatoire de Lille malgré son jeune âge.

    En 1940, un accident de voiture contrarie les plans de carrière de ce virtuose de la clarinette. Cet accident a lieu alors qu’il se trouve dans la voiture d’un ami circulant dans Lens dans les conditions délicates que vous imaginez à cette époque. Moïse est gravement blessé, la mâchoire brisée. Il abandonne alors toute carrière musicale professionnelle et quitte Paris alors qu’il est pressenti pour se présenter au concours du Grand Prix de Rome, la distinction enviée par tous les compositeurs, avec à la clef un séjour à la Villa Médicis à Rome.

    En 1941, il se marie avec Alfréda Douchain, infirmière au dispensaire de la Caisse de Secours des Mines puis trouve un emploi aux Grands Bureaux de Lens. Il n’abandonne jamais sa passion pour la musique, ni sa vocation.

1963 chanteuse dans Lens

    Il accompagne parfois à l’orgue les services de Monsieur Farelli, pasteur au Temple Baptiste de l’avenue Alfred-Maës. Il dirige la chorale de sa paroisse et commence à répéter chez lui avec des amis des deux paroisses protestantes calvinistes de la rue Victor-Hugo de Lens, de la chapelle du mémorial de Vimy et de Liévin et de la paroisse baptiste. Ces communautés se réunissent chaque année à la Pentecôte. L’ensemble vocal est bientôt rejoint par des amis de toute confession et des collègues de travail des deux époux. Ce groupement chante des œuvres du répertoire vocal classique et acquière rapidement un niveau extraordinaire. Sur les conseils avisés du Docteur Ernest Schaffner, ami personnel et futur maire de Lens, Moïse envoie le 2 mars 1946 à la sous-préfecture de Béthune les statuts de la Société Chorale Lensoise pour «étudier le chant choral et donner des concerts publics ou privés».

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    Très exigeant avec les choristes comme il l’est avec lui-même, sa devise est : «Qui peut le moins, peut le plus» ; il hisse son groupe à un très haut niveau. Les premiers articles de presse de l’époque relatent les concerts de la Chorale auxquels de nombreux artistes prestigieux, tous premiers du conservatoire de Paris ou en passe de le devenir et amis de Moïse, participent avec enthousiasme. Parmi ceux-ci et pour les quatre premiers concerts de la Société Chorale Lensoise, il y a Messieurs Loridan, Dhaene, Largillière, Gourdin, Charlet, Hollande, Monsieur et Madame Delvigne, Mademoiselle Hoyez et bien sûr, Suzanne Lefort.

    Bien d’autres virtuoses y font des apparitions par la suite : le tout dernier, en 1984, étant Monsieur Alain Raës, professeur de piano au Conservatoire de Lille.

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   Moïse Dupuis a porté la Société Chorale Lensoise au sommet de la hiérarchie régionale et internationale. En 1963, il remporte avec elle, haut la main, le concours international de chant choral qui se tient à Luxembourg  (Premier Prix d’interprétation à l’unanimité et premier Prix de lecture à vue). D’autres concerts ont lieu à l’étranger, notamment en Allemagne à Leverkussen. Des enregistrements pour la radio de Lille sont réalisés suite à des concours organisés par la Fédération de Sociétés Musicales du Nord et du Pas-de-Calais et remportés par la SCL avec le même brio.

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   Parallèlement à tout cela, la réputation de musicien d’exception a perduré et de nombreux clarinettistes se sont réclamés de Moïse Dupuis. Ils venaient travailler avec lui et écouter ses conseils pour la préparation de concours en vue de l’obtention d’un poste de soliste dans les prestigieux orchestres de la capitale; les frères Boulanger notamment. D’autres musiciens accomplis se réclament également de lui bien qu’ils ne le rencontrèrent pas. Claude Faucomprez, clarinette soliste à l’Orchestre National de Lille, professeur aux conservatoires de Lille et de Roubaix et organisateur de master-classes, en est un exemple. Monsieur Faucomprez a enregistré le concerto de Mozart avec l’Orchestre National de Lille. A bien l’écouter, on peut imaginer facilement, surtout dans le deuxième mouvement, que Moïse aurait pu le guider dans son interprétation magistrale.

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    Moïse Dupuis fut un grand humaniste. Sa culture générale était immense, sa culture musicale encore plus. Témoignant d’un caractère très fort, en homme droit, il a su mettre au service de ceux qui étaient sous sa direction sa virtuosité et son sens musical, à mon sens inégalable. Il parvenait à obtenir des nuances avec les formations qu’il dirigeait, à en faire frémir plus d’un. Il obtenait des amateurs ce que des professionnels réalisaient : faire coïncider la volonté des compositeurs avec ses interprétations. J’ai beaucoup appris avec et grâce à lui. Mon père, qui le côtoyait à la chorale depuis de longues années, lui apprit que je faisais des études musicales au Conservatoire de Lille et au Lycée Pasteur puis à l’université de Lille 3 pour y préparer le concours du CAPES d’éducation musicale et chant choral. Moïse me prit alors en main en me faisant faire, chez lui, des dictées musicales d’un niveau du « Conservatoire de Paris ». Il me donna aussi des cours d’harmonie très poussés et, grâce à tous ses conseils, je réussis le concours en 1988. Notre collaboration, ponctuant plusieurs années d’affinités communes, «familiales», que l’on peut faire remonter aux années 1930/40 avec les rencontres paroissiales et relayées par mon père, a duré jusqu’au décès de Moïse le 5 septembre 1992.

    Au sein de la Société Chorale Lensoise, il fonda le chœur féminin pour lui permettre d’aborder ce répertoire en le faisant connaître aux choristes ainsi qu’aux auditeurs. A Lens, Moïse Dupuis a aussi dirigé, de concert, après nominations obtenues sur concours, les destinées de l’école de musique «Frédéric Chopin» et de l’Harmonie Municipale de Lens, composée alors de Lensois et des meilleurs musiciens amateurs de la région lensoise. Il enregistra avec elle un disque sur lequel figurent : La «Rhapsody in blue» de George Gershwin et le «Concerto de Varsovie» avec Alain Raës au piano. Ce même Alain Raës, qui, avec la complicité d’Alfréda Dupuis, enregistra quelques-unes des meilleures sonates pour piano composées par Moïse, qu’il conservait à l’abri des regards indiscrets : «Andantino», «Scherzando» et «Lecture piano».

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    Quelques années avoir démissionné de l’harmonie et de l’école de musique de Lens, c’est à la tête de l’harmonie de Wingles qu’il apporta son savoir. La ville de Wingles lui doit quelques concerts mémorables avec la Société Chorale Lensoise qui lui tenait tant à cœur et qu’il chérissait comme son enfant.

    Sous sa présidence, la Délégation de Lens pour la Fédération des Sociétés Musicales du Nord et du Pas-de-Calais a organisé des concerts annuels auxquels la SCL participait et durant lesquels chaque chef se succédait à la tête d’une formation musicale constituée des membres des harmonies et batteries fanfares représentées sur la scène, soit plus de 200 musiciens pour y interpréter un programme commun. Albert Gaigneur, Premier clarinette de l’harmonie de Lens au temps de Moïse, lui succéda à la Présidence de la délégation, une présidence aujourd’hui assurée par Alain Matyba, un autre ancien clarinettiste de l’Harmonie Municipale de Lens.

    Moïse a été un grand pédagogue. Pour faire progresser le niveau des harmonies de la Fédération et former de jeunes chefs, avec trois de ces collègues dont Marcel Chapuis de Bapaume et Georges Fontaine de Noeux-les-Mines, il a organisé des stages de direction d’orchestre.

    Pour terminer, c’est Christian Daubresse, ancien Adjoint à la Culture au Maire de Lens qui nous parle de Moïse Dupuis :

 »J‘ai bien connu ce cher Moïse ! Et pour cause ! Entre autres, j’ai été président de l’Harmonie Municipale et surtout président du conseil d’administration de l’école de musique, Moïse a été en même temps le directeur de la chorale, directeur de l’école de musique, et chef de l’harmonie municipale : c’était un excellent musicien ! Il était clarinettiste, et il devait faire une carrière professionnelle mais, si mes souvenirs sont exacts, un accident l’en a empêché. Je crois que sa mâchoire avait été fracturée quand il était au Conservatoire de Paris. Tout cela est à vérifier : je n’ai jamais osé en parler avec lui. Ce que je peux affirmer, c’est qu’il a fait faire des progrès immenses à l’harmonie, progrès continués par les chefs qui lui ont succédé, si bien que l’harmonie est devenue excellente ! Employé aux Grands Bureaux des Mines, il donnait en plus des cours de clarinette, et j’ai connu un virtuose, actuellement musicien de l’ O N L, qui se réclame de Moïse: il s’agit de Claude Faucomprez.

Sous la férule de Moïse, un disque de l’Harmonie a été enregistré. Il doit en rester quelques exemplaires au Colisée ».

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SUZANNE LEFORT

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    Le 10 novembre 1919 à 13h00 dans une des constructions en tôle qui faisaient office d’habitations provisoires après la Première Guerre Mondiale naît Suzanne Adélaïde Lefort. Son père Emile était mineur-infirmier à la fosse 3 de Liévin.

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    En 1932, après que Moïse Dupuis ait su convaincre ses parents qu’elle était très douée pour le chant, la jeune Suzanne entre au Conservatoire de Lille dans la classe de piano et de solfège.

   La beauté de sa voix enthousiasme ses professeurs et, dès juillet 1936, elle obtint un premier prix de chant.

   Arrivée au Conservatoire de Paris, sa voix fit merveille autant qu’elle le fit à Lille. Suzanne Lefort entre ensuite à l’Opéra Garnier pour y chanter ‘Dalila’,

   En 1937, elle participe au concours des maîtres du chant français, véritable brevet d’aptitude pour commencer une carrière de chant lyrique. Ce concours n’ayant lieu que tous les cinquante ans et n’étant ouvert qu’aux personnes âgées d’au moins 18 ans, la jeune fille s’y engage sous le nom de sa sœur aînée Madeleine.

   Le jury, dirigé par Thomas Salignac, Président de l’Académie du Chant, lui décerne le brevet à l’unanimité avec cette mention : « Belle voix, bien timbrée… Manque un peu d’expression au profit de la puissance. Et elle a 18 ans !!!! ».

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   Mais la supercherie est découverte. Elle conserve néanmoins son brevet mais pas la bourse qui va avec.

   L’année suivante, elle remporte haut la main le concours d’entrée au Conservatoire de Paris. Parmi les membres du jury se trouve Jacques Rouché (1862-1957), un mécène propriétaire du journal «la Grande Revue» et Administrateur Général de l’Opéra Garnier.

   Ému par la voix de la jeune femme, il l’encourage et lui fait obtenir une bourse d’études qui va la dégager des soucis financiers et lui permettre de suivre les cours du conservatoire, rue de Madrid à Paris dans la classe de Mme Cesbron-Viseur (1879-1967).

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   En juillet 1941, à quelques jours d’intervalle, elle obtint trois prix :

    • un premier prix de chant à l’unanimité avec l’air de «la Favorite» de Donizetti.

    • Le 3 juillet, le prix de l’Opéra-Comique avec «la Vivandière» de Benjamin Godard.

    • Le 8 juillet, le premier prix d’opéra avec «Samson et Dalila» de Camille Saint-Saëns, elle qui sera une très grande Dalila.

   Suzanne passe ensuite directement du Conservatoire à l’Opéra Garnier qui, uni à l’Opéra-Comique en difficulté financière, forme à l’époque la Réunion des Théâtres Lyriques Nationaux .

    Elle interprète le 16 novembre 1941, à l’âge de 22 ans, le rôle de Dalila, le rôle-titre de l’opéra de Saint-Saëns et bien d’autres airs dont Carmen de Bizet. C’est un vrai triomphe : plus de 30 rappels.

   Sous l’occupation, les autorités allemandes, agissant comme les maîtres des lieux à Paris, imposent aux artistes d’exécuter des représentations.

   Suzanne Lefort participe à certaines d’entre-elles à l’Opéra de Paris comme « Palestrina » de Hans Pfitzner le 12 avril 1942 (chefd’orchestre : Bertil Wetzelberger) ou Samson et Dalila le 11 février 1943 sous la direction de François Ruhlmann.

   En 1943, lors d’une représentation d’Hérodiade de Massenet à l’Opéra de Paris, un projecteur se décroche et tombe sur la scène. Le machiniste qui la pousse in extremis avant qu’elle ne le reçoive sur la tête se blesse sérieusement au visage.

   En 1944, elle reçoit le galon de sous-lieutenant. Ses trois sœurs, sa mère et son père ont servi comme infirmiers pendant la Seconde Guerre. Lors de la cérémonie, elle chante devant le Général de Gaulle l’hymne de la Libération à l’Opéra de Paris.

    Après la guerre, elle poursuit sa carrière retentissante. Elle chante à Paris comme sur toutes les scènes françaises et étrangères, remportant d’énormes succès. On rapporte que, quand elle passe à la Radio, elle est obligée de reculer de plusieurs mètres pour éviter la saturation des microphones.

    C’est d’ailleurs pour la radio qu’elle interprète le 18 décembre 1946 de larges extraits de «Samson et Dalila» avec Gaston Rijean, Charles Cambon et l’Ensemble Orchestral du «Lyrique» dirigé par Jules Gressier.

   On l’entend dans de grands rôles comme Aïda de Giuseppe Verdi, Orphée, Margared du «Roi d’Ys» d’Edouard Lalo, Erda de l’ «Or du Rhin» de Richard Wagner, Albine de «Thaïs» de Jules Massenet.

    Le 21 juin 1947, elle épouse celui qui allait devenir un immense chef d’orchestre, Georges Prêtre. Mais ce mariage ne durera pas : le 6 décembre 1949, le divorce est prononcé par le Tribunal Civil de la Seine.

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    Suzanne Lefort tombe ensuite gravement malade, elle quitte la scène en 1953. Les drames de la vie et un cancer du sein la plongent dans une grande dépression et elle n’a plus la force ni l’envie de monter sur les planches. N’ayant droit à aucune retraite de chanteuse d’Opéra, elle trouve des emplois de secrétariat bien loin de ses capacités et peu rémunérés.

    En 1957, elle tente bien un retour dans le rôle de Maddalena de «Rigoletto» mais le cœur n’y était plus. La maladie finit par l’emporter le 20 mars 1977 à Ecquevilly (Yvelines) à l’âge de 57 ans dans une indifférence totale. Un journaliste de Radio France parlera d’elle d’elle comme d’une étoile filante de l’opéra.

SUZANNE LEFORT A LENS

   Le vendredi 21 janvier 1949, Suzanne Lefort retrouve Moïse Dupuis et chante avec la Société Chorale Lensoise. C’est par l’intermédiaire de Victor Hollande, membre de la chorale et beau-frère de Suzanne, que Moïse Dupuis reprit contact avec la cantatrice. Les archives de la chorale, précieusement conservées, montrent que Moïse a écrit une première fois à Suzanne le 22 septembre 1948 pour lui expliquer en détail le projet de concert qu’il souhaitait organiser pour «faire vivre la société convenablement et parce que le désir de l’entendre était grand». Suzanne accepta spontanément de venir à Lens.

   C’est par ces mots qu’il terminait cette lettre : «Si cette affaire peut se régler, je serai très heureux de te revoir et échanger avec toi quelques souvenirs (…) Je termine donc en t’assurant que ton obligeance me fait grand plaisir et dans l’attente de pouvoir t’embrasser, je t’exprime mes sentiments très affectueux».

   Moïse et Suzanne se sont rencontrés le 18 décembre pour déterminer le programme de la soirée et les interprétations de la cantatrice. (« Orphée » de Gluck et « Samson et Dalila » de Saint Saëns).

   L’Apollo étant trop chère pour les finances de la chorale, le concert s’est déroulé salle Gabilly devant un nombre impressionnant de spectateurs. Le lendemain, on peut lire dans la presse lensoise : «Suzanne Lefort et André Charlet ont recueilli un formidable succès au gala de la Société Chorale Lensoise… M. Charlet (1e Prix du Conservatoire de Paris et Professeur au Conservatoire de Lille) qui possède un véritable don de virtuose a recueilli une ovation bien méritée… Suzanne Lefort vient de terminer une tournée mondiale qui l’a menée en Amérique, au Brésil, en Italie, en Allemagne. Partout, elle a remporté un triomphe, notamment dans «Samson et Dalila» dont elle est l’interprète rêvée. Elle a conservé de son « Pays Noir » un souvenir ému et c’est avec joie qu’elle a accepté la demande de M. Dupuis, un camarade de Conservatoire, de venir se produire à Lens. La merveilleuse cantatrice reçut une ovation interminable lorsque le Docteur Schaffner, Maire de Lens et Président d’Honneur de la SCL, lui remit une magnifique gerbe de fleurs. Ce fut en tout point une délicieuse et agréable soirée».

   A la suite du concert, M. Jean Dujardin, en qualité de président de la SCL, adressa cette lettre à Suzanne Lefort au 37 rue François-Courtin à Liévin, probablement au domicile de ses parents : « Madame, réuni dernièrement, le comité de la Société Chorale Lensoise m’a chargé de vous remercier très sincèrement du grand honneur que vous avez bien voulu nous faire en acceptant d’apporter votre précieux concours à notre concert du 21 janvier dernier. La gentillesse et la simplicité dont vous avez fait preuve à notre égard en cette occasion font que nous garderons toujours de votre venue parmi nous un merveilleux souvenir ».

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La Mine, un patrimoine ! Alors pourquoi laisser pourrir ?

Posté par Le Lensois Normand le 19 avril 2013

  Une récente visite à Lens m’a permis de replonger dans le passé. Une rencontre très passionnante avec un passionné à la Maison Syndicale.

La Mine, un patrimoine ! Alors pourquoi laisser pourrir ? dans Coup de Gueule msaujourdhui

   Serge Barrois, le fils de Marcel est le Président de ‘Mémoire et culture’. La Maison Syndicale, c’est Sa maison. Poursuivant la tradition familiale, il y passe la moitié de ses journées. Lui et son épouse, vous pouvez les rencontrer tous les matins dans ce temple du syndicalisme minier.

  La Maison Syndicale appartient aujourd’hui à la CALL (Communauté d’Agglomérations Lens-Liévin).  Le Syndicat CGT des Mineurs du Nord-Pas de Calais lui a cédé il y a quelques années.

  La CALL a donc hérité d’un trésor ! Non seulement avec le bâtiment par lui-même mais avec toutes les archives qui y sont entreposées. Alors, pourquoi le laisser se délabrer et pourrir à ce point ?

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  Serge a eu la gentillesse de me faire visiter ce que les gens ne voient pas toujours. Le garage et les rangements de la demeure regorgent de documents valant une fortune, si ce n’est financière, du moins historique et même nostalgique.

  On y trouve tous les exemplaires de ‘La Tribune du Mineur’ depuis le numéro 1, de son ancêtre ‘La Voix du Mineur’, de nombreux autres documents, des livres et revues, des compte-rendus de réunions, d’assemblées générales de grévistes, une multitude de photos, des drapeaux, des oriflammes, des affiches par milliers, ses statuettes, des bibelots, des lampes et barrettes de mineurs et même le vieux matériel d’imprimerie …

  Tout ceci est à l’abandon. Les journaux surtout. Il sont dans un local non chauffé,  sujet à l’humidité et sont en train de pourrir.

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   Serge est prêt à tout céder à la CALL pour qu’elle entretienne et sauvegarde ce patrimoine important. Mais il ne semble pas qu’il y ait un réel intérêt au niveau intercommunal. Le projet de réunir dans l’ancien cinéma du Cantin (revenu maintenant au sein de la Maison Syndicale) toutes les archives du pays minier semble en sommeil pour le moment.  Sur son site Internet, on ne trouve pas dans les missions de la CALL la sauvegarde de ce genre de patrimoine. Elle ne possède pas de service d’archives.

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   Comme Serge, espérons qu’une solution soit très vite trouvée afin que tous ces souvenirs ne finissent pas un jour dans une décharge publique !!!

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La Marseillaise est elle lensoise ?

Posté par Le Lensois Normand le 21 mars 2013

Rien à voir dans cet article avec le chant interprété par les supporters du Racing Club de Lens au stade Bollaert-Delelis en alternance avec ‘Les Corons’ de Pierre Bachelet.

La «vraie» Marseillaise fut écrite par Rouget de Lisle à Strasbourg dans la nuit du 25 au 26 avril 1792 à la suite de la déclaration de guerre entre la France et l’Autriche. Elle portait alors le titre de «Chant de guerre pour l’armée du Rhin». On a appris ça à l’école et c’est ce que raconte l’histoire de France officielle de ce qui allait devenir quelques années plus tard notre hymne national.

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Depuis, cette version a sérieusement été mise en doute. La partition de cette œuvre n’aurait elle pas été écrite par ……. un lensois ?

Selon des historiens du 19ème siècle, la Marseillaise de Rouget de l’Isle serait ni plus ni moins un plagiat. Comme on sait que l’ami Rouget a largement ‘puiser’ les paroles dans des textes écrits … par d’autres, pourquoi n’en aurait il pas fait de même pour la musique ?

Beaucoup affirment aujourd’hui que le véritable compositeur s’appelle Jean-Baptiste Lucien Grison. C’est la thèse qui fut notamment soutenue en 1886 par Arthur Loth, un journaliste-historien catholique, dans ‘La Marseillaise, enquête sur son véritable auteur’.

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Voyons ses arguments :

  • Parmi les rares œuvres qui restent de Grison, on trouve trois pages de musique avec la partition d’une cantate écrite par Grison sur des fragments des chœurs d’Esther de Racine dont l’air du début «Stances sur la Calomnie» correspond à notre Marseillaise.

  • Les archives sont formelles : «Esther» a été écrite cinq ans avant La Marseillaise.

  • Rouget est reconnu pour n’être qu’un médiocre violoniste. Comment aurait il pu composer un air aussi difficile et aussi savant ?

  • L’édition originale ne porte pas de nom d’auteur alors que Rouget signait toutes ses œuvres.

Selon Alfred Bucquet (Lens,son passé, ses houillères), vers 1864, un collectionneur mélomane artésien, Charles Vervoitte trouve à Saint Omer la partition d’une cantate écrite par Grison sur des fragments des chœurs d’Esther de Racine.

Jean-Baptiste Lucien Grison : un compositeur méconnu qui n’a laissé que peu de traces et dont quasiment toute l’œuvre a disparu. Il est né à Lens en 1746, fils d’Eugène Grison et de Jeanne Caboche. Son père, mélomane, lui enseigne les rudiments de la musique. Passionné et doué pour cet art, très croyant, le jeune Grison est enfant de cœur et fait partie de la scola (ensemble vocal de chanteurs a cappella) à la collégiale de Lens. Il entre à 17 ans à la Cathédrale de Saint Omer dont il devient le maître de musique de 1775 à 1787.

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Vervoitte constate qu’une partie de la partition est identique à l’œuvre de Rouget de l’Isle : Esther est certes en do majeur et la Marseillaise en si bémol, mais la rythmique, le nombre de mesures, la tonalité sont exactement les mêmes. On a vraiment l’impression d’un copier-coller.

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L’œuvre de Grison intitulée «Stances à la calomnie» est une ode à la gloire de Louis XIV.

Grison et Rouget de Lisle auraient-ils pu imaginer et créer le même morceau ? Fort peu probable. Rouget de Lisle s’est bien pour le moins fortement inspiré de l’œuvre de Grisons écrite cinq ans plus tôt.

Comment Rouget de Lisle a-t-il eu vent de l’œuvre de Jean-Baptiste Grison ?

Il est fort possible que le capitaine du génie Rouget de l’Isle ait stationné en garnison à Saint-Omer et directement côtoyé Grison ou entendu jouer cet air.

Grison est décédé en 1815 et n’a jamais revendiqué la paternité de cet hymne lorsqu’elle fut attribuée à Rouget de Lisle. Le moment était mal choisi : il ne pouvait après la Révolution de 1789 avoué avoir exalté la royauté et la religion sans risquer d’avoir la tête tranchée.

Malgré cela, on peut pratiquement affirmer aujourd’hui que notre hymne national est une ….

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Le Louvre à Lens : ça ne date pas de …. demain !!!!!!

Posté par Le Lensois Normand le 3 décembre 2012

  Demain va donc être inauguré en grandes pompes le Musée du Louvre-Lens. Inutile d’en dire plus : de nombreux sites et autres médias régionaux ou nationaux vont en faire des pages.

  Mais il faut bien avouer que Le Louvre à Lens, ça existait déjà il y a plus de 100 ans. Voyez cette photo de la Place de la République (qui s’appelait à l’époque Place Verte)  :

Le Louvre à Lens : ça ne date pas de .... demain !!!!!! dans Histoire louvre3

Sur la gauche de la photo, dans la rue de la Gare, il y avait un commerce qui se nommait : AU LOUVRE

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  Ce magasin a certainement été ouvert à la fin du XIXème siècle ou au tout début du XXème. Lens était à l’époque en pleine expansion depuis la découverte du charbon une trentaine d’années auparavant et l’augmentation considérable de la population engendrée par la création de la Compagnie des Mines de Lens en 1872.

  Si on ne trouve pas la date précise de l’ouverture de ce commerce, on peut affirmer qu’il existait en1906.  La photo suivante a été prise lorsque les troupes envoyées par Clemenceau pour mater les grèves qui ont suivi la catastrophe des Mines de Courrières en avril 1906 bivouaquaient  sur la Place de la République.

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   On distingue difficilement sur la devanture, au dessus du rideau le nom de LANGLAIN. Mais qu’est donc ce commerce ? En rapprochant ce nom de la photo suivante et des archives en ligne du Pas de Calais, on trouve la réponse.

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   On voit que sur la façade du magasin Au LOUVRE, on a placé des draperies. Sur un panneau, on peut lire  »BRADERIE ANNUELLE ». Les archives nous apprennent qu’en 1911 ce commerce est bien celui tenu par une Dame CAZIN Esthère, belle fille de Eloi et Céline LENGLAIN, cabaretiers rue de la Gare  (les employés de mairie n’étaient pas très rigoureux à l’époque sur l’orthographe des noms de famille).

  La profession notée de cette dame CAZIN (dont le mari est menuisier), née en 1893 à Méricourt, est  »Patronne Couturière ». Elle est aidée par une employée nommée Louise Sergeant.

   On peut donc affirmer qu’il y a plus de cent ans, il y avait déjà un Louvre à Lens et qu’on y faisait commerce de tissus et de couture.

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La Maison Syndicale de Lens

Posté par Le Lensois Normand le 12 novembre 2012

Cet article a été écrit avec la collaboration de MM. Bernard Ghienne et Christian Vallez.

La Maison Syndicale de Lens dans Histoire msaujourdhui

   Après la catastrophe des Mines de Courrières qui a fait 1100 victimes, le Syndicat des Mineurs, dit « le Vieux Syndicat » emmené par Emile Basly, Arthur Lamendin et Henri Cadot veut étendre son influence dans le bassin minier en général et la région lensoise en particulier. Mais les cafés et estaminets qui servent de lieu de réunion deviennent trop exigus devant l’augmentation des adhérents.

   Il est alors décidé de construire à Lens un grand édifice qui démontrera à la population et aux directeurs des Compagnies Minières l’importance du syndicat. Il permettra aux mineurs de mieux se faire représenter et se défendre face aux conditions inhumaines imposées par les tout-puissants directeurs des Compagnies.

   C’est à Casimir Beugnet, trésorier du syndicat du Pas-de-Calais, et délégué à la fosse 2 des Mines de Béthune que revient la tâche de trouver l’argent nécessaire à la construction du bâtiment.

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   Il réussit à obtenir des subventions publiques (il faut dire que les grands responsables du syndicat sont aussi des élus municipaux ou des députés) mais aussi de l’argent issu de collectes effectuées auprès des mineurs syndiqués qui étaient près de 30 000 à cette époque. Son épouse tenant un estaminet dans la rue Decrombecque à Lens, il lui est facile de contacter les mineurs .

  En 1910 commence donc, dans la rue du Creusot, près de la place du Cantin la construction de cette immense bâtisse à l’architecture remarquable.

   Elle est inaugurée en octobre 1911 par Emile Basly entouré de tous les responsables du syndicat et de nombreux militants.

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   Le malheureux Casimir Beugnet ne vera pas cette inauguration : il décède subitement le 1er juillet 1910 à l’âge de 49 ans.

   En sa mémoire, le syndicat fait érigé une statue qui est installée au centre du jardin se trouvant dans la grande cour de la Maison Syndicale. Un peu plus tard, la Municipalité décide de débaptiser la rue du Creusot pour lui donner le nom de Casimir Beugnet.

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  Appelée aussi parfois La Maison des Mineurs du Nord – Pas-de-Calais, l’édifice est un modèle exceptionnel dans sa conception et son architecture. Elle est construite en briques rouges. Les différentes pièces sont disposées sur les deux niveaux de façon totalement symétrique par rapport au hall d’entrée. Au dessus du porche, à l’étage un balcon doit permettre aux orateurs de s’adresser à la foule des mineurs rassemblés jusqu’à la Place du Cantin.

  L’aile droite du bâtiment abrite le syndicat des Mineurs. Les ouvriers viennent y recueillir des renseignements et des conseils sur le fonctionnement des Caisses de Secours ou les aides familiales ou simplement rechercher l’aide du syndicat pour un problème personnel ou professionnel.

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   L’aile gauche est occupée par l’Imprimerie Ouvrière qui diffuse notamment le journal du vieux syndicat ‘Le Réveil’.

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  La rue du Creusot dans laquelle se trouve la Maison Syndicale donne sur la Fonderie Bracq qui disparaitra lors de la guerre 14-18..2

  Centre historique et incontournable des luttes ouvrières des mineurs, point de départ de nombreux cortèges syndicaux, elle est, jusqu’à l’extinction totale de l’exploitation charbonnière, le siège des syndicats de mineurs CGT du Bassin Minier.3

   Survient alors la Première Guerre mondiale. L’occupation allemande puis les combats pour la libération de la ville font que Lens est totalement détruite lorsque la libération arrive enfin. La Maison Syndicale, qui n’a pas échappé au désastre, est entièrement rasée.

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 Pendant la guerre, les réunions du Syndicat ont lieu à Bruay-en-Artois. A la fin des conflits, le Syndicat occupe des locaux provisoires installés sur la Place du Cantin.

   Emile Basly, en tant que Maire de Lens, commence dès 1918 les travaux pour rebâtir la ville. Dans son rôle de responsable syndical, il propose dès 1921 la reconstruction de la Maison Syndicale.

   Lors de la réunion du Conseil d’Administration du Syndicat des Mineurs du 9 avril 1921, il déclare : «Il est absolument nécessaire de désigner un architecte tout de suite afin de procéder rapidement à la reconstruction de notre Maison Syndicale». C’est Jean Goniaux, architecte douaisien, qui est choisi. (Source Gauheria n°76).

  La nouvelle Maison Syndicale, qui est édifiée au même endroit, est quasiment identique à la première.

Elle est reconstruite à partir de 1922. Face à son porche est ouverte la rue Florent Evrard, la reliant directement à la Place du Cantin.

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La similitude des deux bâtiments, voulue par les responsables syndicaux, est frappante : même matériaux, même dimensions, même sculptures. Seuls, quelques points de détails peuvent les différencier : les inscriptions ‘Secrétariat’ et ‘Imprimerie’ de part et d’autre du balcon ont été remplacés par des balustrades, un jardin ‘art-déco’ occupe désormais la cour centrale et le fronton reconstruit n’est pas totalement identique au premier.

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   Les motifs sculptés au dessus du porche marquent la volonté du Syndicat d’afficher sa puissance .

   Les lions, symboles de cette force encadrent des mineurs au travail glorifiant ainsi la force et l’endurance de ces hommes du fond :

  • à gauche, l’abattage au pic et à genoux

  • au centre, le boisage des bowettes

  • à droite, le roulage du barrou

   Au dessus de l’inscription ‘Maison Syndicale’, visible de très loin, une sculpture avec le chiffre 10 : l’année du début de la construction du premier bâtiment.

  L’inauguration a lieu le 16 septembre 1926 en présence d’Emile Basly, d’Henri Cadot et d’Alfred Maës qui est devenu entre-temps Député mais aussi le nouveau Secrétaire Général du Syndicat. Roger Salengro y prononça le discours. Nul doute que ce fut un jour de fête comme on en faisait alors avec grands discours, fanfares et banquet.

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  Entre temps, en 1919, le journal syndical ‘Le Réveil’, toujours imprimé dans cet édifice, est devenu ‘la Tribune du Mineur’ par décision du Conseil d’Administration du Syndicat du 8 juin 1919. (Source Gauheria n°76).

  La salle de spectacles située derrière la maison syndicale et ouvrant sur la rue Emile Zola est construite en même temps. En 1928, les propriétaires du cinéma-théâtre ‘le Casino’ situé rue de Paris proposent de louer la salle pour un loyer de 18 000 francs par an en précisant que le syndicat resterait prioritaire en cas de besoin. C’est une aubaine pour celui-ci toujours à la recherche de fonds.

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  Quelques années plus tard, le bâtiment est transformé en salle de cinéma. ‘Le Cantin’, qui tente de concurrencer l’Apollo. reste un cinéma de quartier avec ses films de série B. Après les évènements de mai 68 et la ‘libération sexuelle’, le Cantin est même connu pour être le premier cinéma lensois à projeter des films à caractère pornographiques. On est loin alors la vocation première de cette salle.

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  Pour faire face à la chute du nombre de spectateurs, il faut transformé la grande salle de 888 places en 5 plus petites. Malgré cela, le cinéma finit par fermer ses portes définitivement dans les années 90.

   Le site est ensuite racheté par un mouvement religieux considéré par certains comme une secte, ‘la Source’, qui modifie la salle afin d’en faire un lieu de culte. C’est cette ‘église’ qui sera à l’origine de la demande de classement du site. Finalement, les locaux sont définitivement fermés avant que le projet n’aboutisse et finissent par se dégrader.

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   La Maison Syndicale a été le centre de tous les conflits du Bassin Minier. Les responsables syndicaux y étaient ‘chez eux’. La photo ci contre démontre la force du syndicat (devenu la CGT depuis la scission de 1948) dans l’entre-deux guerres. On peut y voir tout le groupe de délégués encadrant leur Président Alfred Maës.

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   Pendant la seconde guerre mondiale, les Allemands réquisitionnent le Maison Syndicale. L’attitude des mineurs, qui se mettent en grève en 1941 autant contre les directions des Compagnies que contre l’occupant, leur procure un sentiment de vengeance. De nombreux attentats ont aussi pour auteurs des ‘gens de la mine’, les sabotages dans les fosses ralentissent la production que les occupants voudraient pourtant voir se développer. Les Allemands utilisent la Maison Syndicale comme prison pour les détenus civils de la région.

   Quelques années après la libération, la Maison Syndicale allait encore vibrer sur ses bases. Auguste Lecœur, qui vient de perdre sa place de maire de Lens, battu pas le ‘SFIO’ Ernest Schaffner, est à l’origine d’un important conflit. Les ministres communistes sont évincés du gouvernement, il n’en faut pas plus pour que la CGT déclenche un mouvement de grève nationale dans les charbonnages. Autant politique que revendicative, l’action oppose les mineurs aussi bien au gouvernement qu’aux toutes nouvelles houillères nationalisées. De grands rassemblements ont lieu un peu partout. A Lens, c’est, bien sur, à la Maison Syndicale et dans la salle de spectacle que les grévistes viennent manifester, écouter et ovationner les orateurs.

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   D’autres mouvements suivront comme en 1963 ou plus de 50 000 mineurs en grève se rassemblent à Lens pour manifester contre la politique de désengagement du Général De Gaulle et de son Premier Ministre Pompidou.

   Mais inéluctablement, le nombre de mineurs diminue, le syndicat perd de son influence mais le siège est toujours installé à la Maison Syndicale. Une figure emblématique va y passer une bonne partie de sa vie : Marcel Barrois, Président du Syndicat CGT des Mineurs.

  Le 14 janvier 1997, le bâtiment est inscrit à l’inventaire supplémentaires des Monuments Historiques en raison de son importance sociale.

   Bernard Ghienne, qui siégeait alors à la COREPHA (commission pluripartite chargée d’étudier les demandes de protection et de donner un avis au préfet de région) est chargé, étant lensois, par les services de l’Inventaire de défendre la nécessité d’un classement du site (la maison et l’ex-cinéma).

   Le Secrétaire de l’association Gauheria poursuit : «Le jour de la réunion, au moment où j’allais prendre la parole, un appariteur a informé la commission que le Maire de Lens (André Delelis) souhaitait être entendu. On l’a fait entrer et il s’est assis juste à côté de moi.6

  Pendant une demi-heure, il a développé tous les arguments possibles pour que la Maison Syndicale ne soit pas inscrite à l’inventaire supplémentaire des Monuments Historiques. Quand j’ai pris la parole à mon tour, j’ai commencé par “Monsieur le Maire de Lens a tout à fait raison quand il dit que…”, puis j’ai dû remonter la pente : j’ai surtout insisté sur la valeur symbolique et sociale du bâtiment, ne mettant en valeur que l’intérêt artistique du jardin Art-déco qui se trouvait alors dans la cour, devant la statue de Casimir Beugnet. A la fin de mon exposé, le préfet a exigé un vote (procédure rarissime). L’inscription a été acquise par 3 voix de différence ».

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  En 1997 et 1999, le Syndicat CGT effectue des travaux importants de restauration de la Maison Syndicale. La plus visible est la création d’une verrière au dessus de la cour. En 2004, le Syndicat CGT cède la Maison Syndicale à la Région Nord-Pas-de-Calais. Propriétaire, la Région en a laissé la gestion et l’entretien à la CALL (Communauté d’Agglomérations de Lens-Liévin).

  Le bâtiment accueille maintenant un centre d’archives de l’histoire minière mais un travail de sauvegarde des archives doit y être effectué. Marcel Barrois soulignait en 2000 qu’il y était entreposé l’ensemble des numéros du journal syndical :’La Tribune’. Malheureusement, ces vieux journaux sont fragiles. Mal entreposés, à l’humidité, ils périssent.

La Maison Syndicale abrite aujourd’hui les associations «Mémoires & Cultures de la Région Minière» (créée en 1991 et dont le Président fut Marcel Barrois jusqu’à son décès) et «Gauheria» et est le siège du Pays d’Art et d’Histoire de Lens-Liévin. Des expositions temporaires y sont présentées, axées surtout sur l’histoire de la mine et des mineurs.

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   Le 30 juin 2011, lors d’une réunion du Conseil de la CALL, est créée une ‘Maison de Mémoire des Mineurs’ associé au projet ‘Mineurs du Monde’. Celui ci a une triple ambition : un travail de mémoire et d’archives, une prise de conscience et de mobilisation à l’international du bassin minier et une démarche de collecte de ressources pouvant permettre à chacun l’accès à cette histoire.7

    Le site principal de ce projet se trouverait sur le site de l’ancienne fosse 11/19 mais la totalité des archives (contenant plus de 25 kilomètres de documents inédits) serait entreposée dans les bâtiments de la Maison Syndicale et de l’ex-cinéma du Cantin.

   Quelques photos récentes de la Maison Syndicale :

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Le Concours des Bourses des Mines

Posté par Le Lensois Normand le 14 septembre 2011

  Les «Bourses des Mines» ont été créées en 1946 pour aider financièrement les enfants de mineurs a poursuivre leurs études comme il est mentionné dans l’article 31 du statut du mineur.

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 Pour en bénéficier, à la demande des parents, les meilleurs élèves quittant l’école primaire pour la sixième devaient réussir les épreuves du Concours National des Bourses des Mines.

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Les Grands Bureaux dans les années 50

  Au début des années 50, à Lens, le concours se déroulait dans les salles des Fêtes des Grands Bureaux. Chaque année, plus de 300 filles et garçons endimanchés et en âge de rejoindre le collège s’y retrouvaient dès 6 heures du matin pour plancher sur des sujets de français ou de mathématiques.

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Une salle avant l’épreuve (Photo Notre Mine – Juillet 1953)

  Après avoir fait l’appel des candidats, chacun devait s’asseoir à une place désignée, prendre son porte-plume et inscrire sur la copie posée sur son bureau de bois son nom, son adresse et son école. Puis il repliait l’angle de la copie et la collait afin de cacher ces informations.

  Les épreuves commencaient par la rédaction dont le sujet était parfois assez vaste :

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 Puis venaient les 75 minutes consacrées au calcul composé en général de deux problèmes qui avaient souvent rapport aux finances d’une ménagère, aux calculs métriques ou aux robinets qui fuyaient.

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  A 11h 30, c’était la pause. Tout le monde se dirigeait alors vers la grande salle impressionnante des Grands Bureaux pour y prendre le repas. Après quelques courtes escapades dans les jardins, il était 13h30, l’heure de retourner travailler. L’après midi commençait par la dictée et les questions. Après l’écriture du texte dicté par le surveillant de la classe, l’élève disposait de 45 minutes pour relire, corriger ses fautes et répondre aux questions en rapport avec le texte : analyses grammaticales, nature et fonction des prépositions, sens des mots et expressions. Voici cette épreuve en 1953 :

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  Puis on terminait par le «Compte-rendu de lecture» : un texte était lu trois fois par le surveillant puis le candidat disposait de 45 minutes pour le résumer et répondre à deux questions. Cette épreuve «fait appel à l’esprit d’attention et d’observation des nos candidats» écrivait alors le reporter de ‘Notre Mine’.

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  (Si cela vous dit,  maintenant que vous avez tous les sujets, essayez de repasser aujourd’hui ce concours …. Ou faîtes le passer à votre enfant s’il entre en sixième ! C’est un bon test pour se rendre compte de l’évolution de l’enseignement en plus d’un demi-siècle).

 Arrivait enfin 17h00 : cela faisait 11 heures que les élèves étaient sous pression. Il était temps de se dégourdir les jambes. Ceux qui habitaient dans les cités éloignées reprenaient l’autobus qui les avait transporté le matin.

  Pendant de temps, les copies étaient mises sous scellés et envoyées pour correction à un jury national siégeant à Paris.

  Dans les familles, on attendra avec espoir et crainte les résultats de ce concours car, pour beaucoup, cela signifiera qu’à la rentrée le candidat sera collégien ou galibot !

  Beaucoup de jeunes lensois se souviennent de ce grand moment d’angoisse. Je l’ai vécu en 1963 lorsque j’ai passé (avec succès) ce concours : nos parents nous mettaient la pression. Si on échouait, ce serait à la rentrée les cours supérieurs de l’école primaire et le Centre d’Apprentisage à 14 ans ! Le concours se déroulait alors dans les classes du Collège Michelet que je devais, heureusement, rejoindre quelques semaines plus tard.

  Car le concours n’était pas à la portée de tous : cet article de « Coup de Pic » (journal du groupe de Valenciennes) indique qu’en 1959 sur le territoire national, 2181 collègiens ont bénéficié des bourses des Mines en 1959 alors qu’à cet époque les Charbonnages de Frances comptaient près de 217 000 ouvriers et employés.

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  Curieusement aujourd’hui, les Bourses des Mines continuent à être allouées : depuis le 1er janvier 2008, l’ANGDM (Agence Nationale pour la Garantie des Droits des Mineurs) en assure la gestion (voir ici : http://www.angdm.fr/index.php?/fre/Prestations/Retraite-et-autres-prestations/Bourses-des-Mines ). Mais elles ne sont plus aujourd’hui tributaires d’un concours.
Certaines informations données dans cet article sont issues du journal «Notre Mine» de juillet 1953 que j’ai pu consulter au Service des Archives de la Ville de Lens.

Publié dans Histoire, La famille, La Mine, Lens | 5 Commentaires »

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