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Les deux tours de France de Maurice Garin

Posté par Le Lensois Normand le 28 juin 2013

A l’occasion du départ du centième Tour de France, revenons quelques années en arrière sur les deux premières épreuves et rendre hommage à leur vainqueur, le lensois Maurice Garin (même s’il fut déclassé par la suite du second) dont l’histoire de la vie et de la carrière a déjà été relatée dans ce blog ( à lire ici )

Il est dommage qu’aujourd’hui à Lens, aucune manifestation ne célèbre cet homme qui fut durant et après sa carrière un   »sacré personnage ». Des idées avaient été avancées mais n’ont pas été retenues. Alors, retournons quelques instants sur les routes des Tours de France de Maurice Garin.

Le Tour 1903 :

Les deux tours de France de Maurice Garin dans Histoire mg003

Le départ est donné devant l’auberge du Réveil-Matin à Montgeron (Essonne) à 5h 15 le 1er juillet 1903. Les soixante concurrents prennent la route de Lyon pour une étape de 467 kilomètres.

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Dès le départ, Maurice Garin, parti avec le dossard numéro 1, imprime un train d’enfer. Seul le jeune Pagie arrive à le suivre. Vers 9 h 00, ils franchissent ensemble la ligne d’arrivée. Un correspondant du journal  ‘L’Auto’, présent au départ de la course, se rend ensuite par le train à Lyon pour assister à l’arrivée des coureurs. Lorsqu’il rejoint le contrôle d’arrivée, les premiers ont déjà quitter les lieux depuis un momemnt pour rejoindre leur campement.

Son plus dangereux adversaire, Aucouturier, victime de douleurs à l’estomac, abandonne. Comme le veut le règlement, il pourra participer aux autres étapes mais ne plus concourir pour la victoire finale à Paris.

Le jeune Pagie est élogieux pour Garin : « C’est grâce à Garin que je finis second. C’est un chic type. Il m’a même donné à manger dans les moments difficiles ».

Garin est le premier leader du premier Tour de France. Mais pas de maillot jaune pour lui : celui ci ne sera instauré que beaucoup plus tard. Le lensois est reconnaissable dans le peloton à sa veste blanche et son brassard.

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La seconde étape démarre de Lyon quatre jours plus tard à … 2h30 du matin. Aucouturier fait partie maintenant des ‘partiels’ (coureurs engagés pour une ou plusieurs étapes mais qui ne concourent pas pour le classement général). Pour la victoire finale, il se met au service d’Emile Georget. Les deux coéquipiers arrivent ensemble à Marseille où Aucouturier, surnommé Le Terrible à cause de son mauvais caractère, l’emporte. Maurice Garin, victime de deux crevaisons et d’une chute, termine à 31 minutes en compagnie de Pothier.

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Son jeune compagnon d’échappée de la veille, Pagie, arrive avec plus de trois heures de retard.

Henri Desgranges, l’organisateur de l’épreuve, n’est pas satisfait. Il fulmine contre les ententes illicites entre les ‘qualifiés’ (ceux qui luttent pour la victoire finale) et les ‘partiels’ . Il modifie le règlement : le peloton est scindé en deux groupes les ‘partiels’ partiront une heure après les autres.

Garin perd dans cette histoire un appui de taille en la personne de son plus jeune frère Ambroise qui ne s’était engagé que pour deux étapes dans le seul but d’aider son aîné.

Le 8 juillet, départ pour la troisième étape. Aussitôt, Garin emmène le groupe des ‘qualifiés’. Peu avant Nîmes, il se trompe de route et perd un quart d’heure sur d’autres coureurs. A Béziers, il est revenu dans le groupe de tête tandis que l’un de ses grands rivaux, Georget, malade, est à la dérive.

A 17h00, à l’arrivée à Toulouse, c’est un certain Brange qui bat Garin au sprint. Aucouturier arrivant avec 28 minutes de retard seulement est déclaré vainqueur de l’étape pour avoir donc repris 32 minutes aux hommes du premier groupe.

A Bordeaux, c’est un Suisse, Charles Laeser qui l’emporte.

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L’arrivée à Bordeaux du Suisse Laeser

Maurice Garin remportera les deux dernières étapes à Nantes et Paris. Cependant, dans l’étape Bordeaux-Nantes, un incident entre coureurs est à déplorer. Quatre hommes sont en tête : Garin, Pothier, Pasquier et Augereau. Ce dernier est le seul à ne pas faire partie de l’équipe ‘La Française’. Avant Montaigu, Angereau crève et change de machine. Ceci n’est pas du goût de Pothier qui le pousse et le fait tomber. Garin s’arrête et piétine le vélocipède d’Angereau, le rendant inutilisable. Mais le coureur est têtu, emprunte une autre machine et rejoint les leaders. Garin le menace de nouveau et victime d’une nouvelle crevaison, le malheureux Angereau préfère rester à distance des échappés et ne terminer que quatrième à Nantes.

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Augerau (en sombre) suit les 3 coureurs de ‘La Française’

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L’arrivée de Garin à Nantes

Alors que lors des étapes précédentes, les coureurs avaient le droit de se faire aider par des entraîneurs à vélocipède ou à motocyclette, la dernière étape est, elle, disputée sans entraîneurs. L’arrivée officielle se situe à Ville-d’Avray à quelques kilomètres de Paris. Les 20 rescapés qui composent le peloton restent groupés pendant toute l’étape. L’ainé des Garin l’emporte au sprint devant Augerau et Samson.

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Garin, tout sourire après sa victoire à Paris

Il devient le premier vainqueur du premier tour de France et entre ainsi dans la légende. Ayant parcouru les 2397 kilomètres en 94 heures et 33 minutes, il devance son dauphin, Pothier de 2 heures, 49 minutes et 45 seconde, ce qui constitue toujours le record du plus gros écart enregistré dans le Tour de France. Les primes attribuées au vainqueur de l’épreuve lui rapporte 6 125 francs de l’époque.

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Maurice Garin, sa tunique blanche et son mégot avec son entraîneur Delattre

Le 25 juillet, Maurice Garin est de retour à Lens. A sa descente du train à 18h00 près de 6000 personnes l’attendent sur la place de la gare. Lorsqu’il apparait auréolé de son écharpe tricolore, il est acclamé par une foule en liesse. Des délégations de toutes les sociétés sportives de Lens le couvrent de fleurs. Il prend place dans une voiture automobile accompagné de son manager Delattre pour rejoindre l’hôtel de ville. Précédé par la Fanfare Municipale, escorté de 500 cyclistes, le cortège traverse les rues de la ville jusqu’à la mairie où Emile Basly, le Député-Maire, l’accueille avec un bouquet de fleurs, rend hommage son énergie et offre le verre de l’amitié. Puis le cortège se reforme pour arpenter les principales rues de Lens sous les ovations jusqu’à sa destination devant le commerce de Maurice Garin, rue de Lille.

Le Tour 1904 :

Après le succès de la première édition, Henri Desgranges organise un an plus tard le second Tour de France du 2 au 24 juillet.

Le départ de Montgeron. Garin reconnaissable à sa tunique blanche.

Le parcours est le même que l’année précédente. Afin de ne pas retrouver les tricheries dues aux coureurs ‘partiels’, le règlement est modifié : les cyclistes qui abandonnent ne peuvent prendre le départ dans une autre étape. Et cette fois, la course est suivie par trois voitures du journal ‘L’Auto’ qui effectuent des contrôles volants.

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98 coureurs, dont 72 français, se présentent au départ à Montgeron. Garin part favori mais aura fort à faire avec Aucouturier qui s’est promis de prendre sa revanche sur le sort.

Déjà, des rumeurs crient à la tricherie. Il est dit que César Garin et Pothier, membres de l’équipe La Française, ne s’alignent que pour aider l’aîné des Garin à gagner le Tour, ce qui est formellement interdit par le règlement. Certaines rumeurs accusent aussi Maurice Garin et son frère César de se faire ‘remplacer’ par leur cadet Ambroise (qui ne s’est pas engagé cette année là) sur certaines portions d’étape.

Dès la première étape, Coup de théâtre : une chute provoquée par des cyclistes amateurs met au sol une dizaine de coureurs dont … Aucouturier ! Garin, qui s’est vite aperçu que ‘le Terrible’ n’était plus dans le peloton accélère l’allure aidé par son frère César. Au contrôle de Gien, Aucouturier passe avec 90 minutes de retard.

Aidé par Pothier (qui était pourtant dans la chute avec Aucouturier et qui est revenu sur la tête si rapidement que certains se posent des questions), Garin accélère encore et l’emporte à Lyon avec 2 h 30 d’avance sur son rival Aucouturier.

Cette première étape a été marquée par le premier incident sérieux. Alors que Garin et Pothier roulent ensemble, ils sont rejoint par une voiture dans laquelle se trouve quatre hommes masqués. Pendant six kilomètres, ils tentent de renverser les deux champions. Devant finalement abandonner, ils s’éloignent en menaçant : ‘On aura ta peau, Garin !’.

Desgranges prend les premières sanctions à Lyon. Un coureur nommé Chevalier, distancé lors de l’étape et accusé d’être monté dans une voiture pour rejoindre la tête de la course est exclu du Tour. Pothier, convaincu de la même tricherie, n’est lui que sanctionné d’une amende de 500 francs. Ces sanctions différentes auront une grande importance par la suite.

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Lors de la deuxième étape, un incident grave se produit. Arrivé vers Saint Etienne, le coureur local Fauré s’échappe et prend quelques longueurs au peloton. Sitôt son passage, une centaine d’individus munis de pierres et de gourdins fait barrage au autres coureurs. Les frères Garin et d’autres coureurs sont violemment frappés et blessés. Un coureur italien nommé Giovanni Gerbi a un doigt sectionné. Le groupe d’assaillants ne se disperse que lorsque les suiveurs tirent des coups de pistolet.

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Giovanni GERBI

Le peloton des favoris, composé de neuf coureurs, reste groupé pour rejoindre Marseille où Aucouturier remporte le sprint.

Après enquête et déclarations de commissaires, Desgranges décide d’exclure du Tour le dénommé Payan d’Alès. Aussitôt, les organisateurs reçoivent des menaces qui sont confirmées lorsque l’étape suivante approche de Nîmes. Des clous jonchent le sol et les crevaisons sont nombreuses. Dans la ville, une troupe d’émeutier fait barrage à la course. Les coureurs sont une nouvelle fois insultés, frappés, menacés de mort. Ils s’en sortent grâce aux soldats qui font fuir les assaillants et aux revolvers sortis des poches des accompagnateurs.

Mais la course reprend. A Toulouse Aucouturier bat sur la ligne Cornet, son compagnon d’échappée. Garin et Pothier arrivent ensuite avec 8 mn 43 de retard.

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Henri CORNET

Les détracteurs du Tour de France accusent plus ou moins Desgranges d’être à l’origine de ces événements. Les sanctions différentes infligées aux participants pour des motifs similaires amènent ces questions : la société de cycles ‘La Française’ étant à la fois engagée et sponsor de la course, ses coureurs ne sont ils pas avantagés par la direction de la course ? Le fait que ce soit Desgranges et non l’Union Vélocipédique de France qui juge et sanctionne n’avantage t-il pas les coureurs de ‘La Française’ ?

Au départ de Toulouse pour Bordeaux, Maurice Garin dit : « Si je ne suis pas assassiné avant Paris, je gagne ce tour ». Au vélodrome de Bordeaux, quatre hommes arrivent ensemble : les frères Garin, leur coéquipier Pothier et Beaugendre, seul coureur qui n’est pas équipé par ‘La Française’. Lors du sprint dont Maurice Garin se désintéresse, son frère effectue une embardée qui rejette Beaugendre contre les balustrades permettant ainsi la victoire de Pothier. La réclamation de Beaugendre est repoussée par la direction.

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L’arrivée de Maurice Garin à Bordeaux

Quelques incidents, heureusement moins graves, se produisent encore lors des deux dernières étapes. Par exemple, un homme est arrêté à quelques kilomètres au nord de Bordeaux : il était en train de placer sur la route des planches munies de clous.

C’est dans ce climat d’extrême tension que Hippolyte Aucouturier reporte les deux dernières étapes et que Maurice Garin son deuxième tour de France. De nouveau, on entend dire que les deux hommes se sont concertés : à chaque fois, le peloton des favoris arrive groupé. Ceci arrange les deux hommes : Aucouturier pour faire valoir sa pointe de vitesse lors des sprints et Garin évite des échappées qui pourraient menacer sa place de leader.

C’est sous l’orage que Garin et les autres arrivent ensemble au Parc des Princes sous les acclamations de la foule venue nombreuse saluer les héros. Le lensois remporte son deuxième Tour de France en ayant couvert les 2388 kilomètres en 93 heures et 6 minutes à la moyenne de 25,649 km/h.

Pothier est second à 3 minutes 28, César Garin troisième, Aucouturier quatrième et Cornet cinquième.

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Mais l’histoire du Tour de France 1904 n’est pas terminée. Trois commissaires de course envoient un rapport à l’Union Vélocipédique de France. Ils ont constaté des irrégularités qui n’ont pas ou peu été sanctionnées par la direction d’Henri Desgranges.

Une enquête est réalisée. Déjà en septembre, des coureurs ont été disqualifiés de la course Bordeaux-Paris : Léon Georget, Petit-Breton, César Garin, Rodolphe Muller arrivés dans cet ordre sont mis hors course pour avoir été entraînés par motos ou poussés.

Début décembre, Maurice Garin ne se doute pas de ce qu’il allait lui arriver lorsqu’il fait le pari d’entrer à bicyclette dans la cage au lions de la ménagerie du cirque installé sur la Place de la République de Lens.

Le 2 décembre, l’UVF annonce son verdict : les frères Garin, Pothier et Aucouturier et d’autres concurrents sont disqualifiés. Des suspensions sont aussi prononcées : Pothier et deux autres coureurs sont radiés à vie, Maurice Garin écope de deux ans.

C’est donc Cornet qui est déclaré vainqueur.

Les motifs des sanctions sont un peu flous. Ils font référence à des articles de règlement mais sans citer vraiment de faits. par exemple : ‘Untel est déclassé pour avoir effectué une partie du parcours en voiture’, mais sans préciser la date et le lieu …

Certains pensent qu’il s’agit là d’une sorte de revanche de l’UVF envers La Française ou Henri Desgranges. Ce dernier envisage sérieusement d’abandonner définitivement l’idée d’organiser à nouveau un Tour de France. Mais il se ravisera et le Tour 1905 eut lieu ainsi que ses nombreux suivants.

Entre temps, Maurice Garin déclare à la presse :  »Je ne courrai plus. Je rentre à Lens m’occuper de mon commerce de cycles« . Il n’admettra jamais la sanction et sur la photo qu’il dédicacera à l’occasion du cinquantenaire du Tour en 1953, il fera imprimer :

« Maurice Garin, vainqueur des Tours de France 1903 et 1904″

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Publié dans Histoire, Lens, Les Hommes, Les Sports | 2 Commentaires »

Maurice GARIN, un champion qui porta haut les couleurs lensoises

Posté par Le Lensois Normand le 19 juillet 2012

    Lorsque j’envisage d’écrire un article sur la carrière cycliste du lensois d’adoption Maurice Garin, je me dis: ‘Quelques lignes, quelques photos et ce sera vite fait!’. Mais au fur et à mesure que mes recherches avancent, je m’aperçois que Garin, ce n’est pas seulement le premier vainqueur du Tour de France. Cet homme a eu une vie sportive et extra-sportive passionnante et pleine d’évènements parfois croustillants.

   Alors, voici, à l’heure où le 99e vainqueur de la Grande Boucle 2012 va être connu et où, en même temps, le vélodrome qui porte son nom à Lens est appelé à disparaître, comment a vécu Maurice GARIN.

Maurice GARIN, un champion qui porta haut les couleurs lensoises dans Histoire MG001

    Maurice Garin est né le 3 mars 1871 à Arvier, commune située à 800 mètres d’altitude dans le Val d’Aoste en Italie. Quatrième d’une famille de neuf enfants et fils d’un laboureur et d’une servante d’hôtel, il eut une enfance misérable.

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    En 1885, la famille Garin décide de quitter ce monde de misère pour aller ‘chercher fortune’ ailleurs. Selon certaines sources, Maurice aurait été recruté alors par un ramoneur français, sa petite taille lui permettant de monter à l’intérieur des conduits de cheminée. Il exerce ce ‘métier’ d’abord en Savoie. Cette profession et sa taille (1.61 m pour 60 kg) lui vaudront plus tard sur les routes de France le surnom de « Petit Ramoneur ». On ne sait comment il atterrit ensuite à Reims en 1886 puis en Belgique. En 1889 à 18 ans, après la mort de son père, il recueille sa mère et ses frères et sœurs et s’installe à Maubeuge.

   Effectuant toujours ses déplacements sur son vélocipède, il se prend de passion pour le sport cycliste. En 1892, un dirigeant du club de Maubeuge le remarque alors et l’invite à s’engager dans une course de 200 km, Maubeuge-Hirson et retour. Garin termine 5ème sur un vieux vélo qu’il a trouvé d’occasion. Cela l’encourage à pratiquer ce sport avec plus d’intensité : il achète une machine neuve pour 850 francs et se lance alors dans la compétition.

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   On crut longtemps que c’est à cette époque que Maurice Garin devient français. Mais en 2004, un journaliste du journal italien ‘La Gazzeta dello Sport’ affirme avoir retrouvé l’acte de naturalisation de Garin qui date de 1901. Cette information s’est ensuite révélée exacte. Les victoires de Garin de la fin du 19è siècle sont donc à mettre au crédit de l’Italie.

   En 1893, il remporte sa première ‘grande course’ avec Dinant-Namur-Dinant en Belgique. Il enchaine avec les 800 kms de Paris au vélodrome des Arts Libéraux. Il s’installe alors à Roubaix où il prend une licence au club vélocipédique de la ville et devient professionnel dans l’équipe de la marque de cycles ‘La Française – Diamant’ à qui il restera fidèle toute sa carrière.

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    Aussi à l’aise sur piste que sur route, sa carrière cycliste s’envole avec de nouveaux succès en 1894 : le Grand prix d’Avesnes-sur-Helpe, Paris-Saint Malo et, sur piste, les 12 heures de Paris et les 24 heures de Liège. Il est sélectionné pour le match France-Belgique des 500 km à Bruxelles où il contribue largement à la victoire tricolore en étant le seul coureur à ne pas mettre pied à terre pendant toute la course.

   L’année 1895 commence dès janvier avec une course de préparation de100 km au vélodrome de l’Est de Paris où il termine 3ème. Il devient le 4 février le nouveau recordman du Monde des 500 km derrière ‘entraîneur humain’ en 15 h 02′ 30 ».

   Il enchaine par deux victoires aux 24 heures de Paris sur le vélodrome des Arts Libéraux puis au vélodrome d’Hiver où il réalise 701 km en 24 heures malgré la pluie et une température hivernale. Un journaliste de l’époque conclue son article ainsi: ‘Il est venu beaucoup de monde … pour faire une chaleureuse ovation aux vainqueurs, Garin a même été porté en triomphe’. Il est maintenant reconnu comme un grand champion.

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   Puis retour sur la route avec de nouvelles victoires dans Lille-Boulogne, Lille-Calais et Guingamp-Morlaix-Guingamp.

   En 1896, après avoir remporté de nouvelles épreuves comme Liège-Thuin, Tourcoing-Béthune, Paris-Le Mans ou Douai-Doullens-Douai, il se présente au départ du premier Paris-Roubaix qui se déroule ‘derrière machines multiples ou bicyclette‘ (terme du règlement de l’époque). Encore en tête à Seclin, il se fait reprendre et termine 3ème derrière Fischer et Meyer.

   Il se console sur les 252 km du ‘Paris-Mons’ qu’il gagne en 10h 23′ devant Frédérick.

   La première grande victoire qui le fera admettre définitivement parmi les ‘Forçats de la Route’ sera la seconde édition de Paris-Roubaix en 1997.

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  58 coureurs (dont 32 professionnels) se présentent au départ à 6h15 de la Porte Maillot à Paris sous une pluie battante. A  Doullens, il compte 25 minutes de retard sur un duo composé de Cordang et Frederick. Connaissant parfaitement le secteur et très à l’aise sur les pavés, il rejoint les deux hommes et se présente avec le seul Cordang sur la piste du Vélodrome de Roubaix où 6 tours de piste sont à accomplir. Son adversaire chute à quelques centaines de mètres de l’arrivée et c’est en roue libre, sous les ovations des spectateurs, que le ‘régional’ Garin remporte l’épreuve en 5h 13′ 5 ».

   Cette année là, il gagne deux autres courses nationales : Paris-Royan et Paris-Cabourg.

   En 1898, il est Président d’Honneur du club ‘La Pédale Roubaisienne’. Devenu plus routier que pistard, il se concentre sur de grands objectifs en se préparant dans des courses locales qu’il remporte aisément comme Valenciennes-Nouvion ou Douai-Doullens-Douai.

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   Un article de presse de 1898 relate que lors de l’épreuve des 48 heures de Roubaix, Garin a remporté le ‘record gastronomique’ à défaut de la course. Le journaliste écrit : ‘Il a boulotté en 24 heures 21 côtelettes, plusieurs kilos de riz, quelques omelettes, le tout additionné d’eau de Vichy et de bols de thé’.

  Ce ‘régime’ pas très diététique ne l’empêche pas de triompher de nouveau dans Paris-Roubaix en 3h 58′ 16 » et avec 29 minutes d’avance sur le second, Stéphane.

  Lors de l’arrivée de Garin au vélodrome de Roubaix; la toiture de la buvette s’est effondrée sous le poids d’une centaine de personnes qui s’y était installée pour voir l’arrivée. Il y eu une douzaine de blessés dont certains grièvement.

  Quelques semaines plus tard, il s’attaque pour la première fois à cet énorme morceau qu’est le ‘Bordeaux-Paris’ où il termine second derrière Rivierre. Son bon appétit est de nouveau mentionné dans cette dépêche de l’époque: ‘Garin, minuit treize, est tombé peu avant Angoulème. S’arrête, mange des œufs puis repart’.

  1899 voit de nouvelles victoires pour Maurice Garin : Tourcoing-Béthune et les 24 heures de Paris où il accomplie au Parc des Princes 684 kms. Il finit second du Bol d’Or au vélodrome Buffalo de Paris.

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   1900, l’année du nouveau siècle, il ne gagne pas de grandes courses mais obtient tout de même quelques places d’honneur :2e de Bordeaux-Paris (qu’il termine à moins d’une minute du vainqueur J.Fischer) et du Bol d’Or et 3e de Paris-Roubaix.

   Il abandonne peu à peu la piste (qu’il ne rejoint que pour des besoins ‘alimentaires’) pour mieux se consacrer aux épreuves sur route. Devenu donc français, il fait un triomphe dans le Paris-Brest-Paris de 1901. 25 coureurs professionnels et 114 ‘touristes-routiers’ prennent le départ le 16 août à 4h 53.  Garin arrive au Parc des princes le 18 peu après 9 heures alors que tout le monde ne l’attend qu’à partir de midi.

   Il racontera lui-même à un journaliste que lors de cette course, il faillit abandonner entre Saint-Brieuc et Guingamp lors qu’il se trouva face à un troupeau de vaches encadré par deux voitures ‘sans lanterne’. Emporté par son élan, il se retrouva au milieu des bovins qui, effrayés, faillirent le renverser et le piétiner.

   Il chute de nouveau à quelques encablures de l’arrivée et entre sur le vélodrome du Parc des Princes avec un cuissard déchiré et une belle plaie au genou gauche.

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   Maurice Garin gagne en 52h11′, battant Gaston Rivierre de 1h55. Hippolyte Aucouturier, le Suisse Michel Frédérick et l’Américain Charly Miller terminent dans cet ordre. Une fois passé la ligne, il reçoit le bouquet du vainqueur des mains de l’une de ses sœurs.

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    C’est après cette course que Maurice Garin annonce qu’il quitte Roubaix pour s’installer à Lens où il va se remarier.

   Il a prévu que les gains ramassés lors de ce Paris-Brest-Paris (20 000 francs) vont lui permettre d’ouvrir un commerce de cycles dans la cité artésienne.

   Mais bien que sous contrat avec ‘La Française’, il a fait appel à un autre sponsor qui lui assure assistance nourriture et soigneurs pour moins cher. ‘La Française’ menace de lui intenter un procès et demande 25 000 en dommages et intérêts. Finalement, un accord est trouvé à l’amiable et Garin reste sous contrat avec son équipe initiale et la représentera dans son magasin de Lens.

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    C’est aussi à partir de cette épreuve que des suspicions apparaissent le concernant. Il faut dire qu’à l’époque, de nombreuses ‘tricheries’ entachent la réputation des courses cyclistes. Il est de notoriété publique que certains coureurs usent de divers stratagèmes pour améliorer leurs performances. Point d’EPO ou de transfusions sanguines à l’époque, les tricheries sont plus ‘rudimentaires’. Les coureurs ne sont pas suivis pendant tout le trajet; seuls certains points de contrôle attestent de leur passage. Dans les grandes courses, ces contrôles sont si éloignés les uns des autres que des coureurs font parfois une partie du chemin en voiture ou même en train en faisant faire le trajet en vélo par un cycliste leur ressemblant physiquement. Les ‘remorquages’ par voitures ou engins motorisés sont aussi très courants.

   C’est donc le second de ce Paris-Brest-Paris, Rivierre, qui va porter réclamation contre Garin. Prenant pour témoin un commissaire de course, il accuse le nordiste de s’être accroché longuement à une voiture et d’avoir fait rouler son jeune frère César à sa place pendant un long trajet.

   Jugeant la déclaration du commissaire peu précise et sans preuve, la Commission Arbitrale ne modifiera pas l’ordre d’arrivée de cette course.

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    En 1902, il quitte donc sa femme et ses 5 enfants pour s’installer à Lens et se remarie. Son frère César, né en 1879, le rejoint quelques années avant de partir à Wattrelot. César est aussi coureur cycliste (il remportera quelques places d’honneur sur Paris-Roubaix notamment) et ‘monte d’ordinaire le tandem à pétrole qui ‘tire’ son frère ainé’ selon la presse de l’époque.

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    Cette année là, le Petit Ramoneur remporte Bordeaux-Paris en 19 heures 41′ 20 » à une moyenne de 30km/h et avec plus d’une heure d’avance sur le second, Lesna. Il peut même se permettre de s’arréter à plusieurs reprises pour se restaurer.

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   C’est donc tout naturellement qu’il s’engage pour le premier Tour de France, course cycliste créée par le journal ‘L’Auto’ dont le directeur-rédacteur en chef de l’époque, Henri Desgrange en devient organisateur. En préparation, quelques jours avant, le néo-lensois a disputé une course aux points au vélodrome d’Aix-les-Bains.

   Sur le Tour. il porte le brassard numéro 1. Le 1er juillet 1903 le départ de la course est donné à Montgeron, devant le café-restaurant ‘le Réveil Matin’.

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    Les coureurs prennent la destination de Lyon à 15h16. Garin, capable de rouler deux cents kilomètres sans boire ni manger, écœure ses rivaux dès la première étape en effectuant un Paris-Lyon de 467 kilomètres en 17 heures et 45 minutes.

   Il remporte les deux dernières étapes entre Bordeaux et Nantes le 13 juillet, puis entre Nantes et Paris le 18 juillet et s’adjuge le Tour après avoir parcouru 2 428 km, à la vitesse moyenne de 25.679 km par h. Son avance est de 2 heures 49 sur le deuxième Pothier, ce qui reste à ce jour le record du Tour. Sur les 60 partants, seuls vingt-et-un coureurs sont à l’arrivée; le dernier classé a pour nom Millocheau et termine à … 64 heures et 57′ de Garin.

   L’épreuve s’achève au Parc des Princes où les coureurs terminent ce que l’on appelle pas encore ‘La Grande Boucle’ par un tour d’honneur et une remise des prix (les gains du lensois s’élèvent à 6 075 francs). 20 000 spectateurs sont présents pour acclamer Maurice GARIN et ses suivants.

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Maurice GARIN avec son soigneur et l’un de ses fils

   Le 25 juillet, de retour à Lens, où il tient depuis plusieurs années un magasin de cycles (située dans l’actuelle rue René-Lanoy), il est accueilli à sa descente de train par plusieurs milliers de personnes qui défilent avec lui dans la ville. Il est reçu à l’hôtel de ville par le maire, Émile Basly.

   Aucun autre résultat marquant n’enrichit son palmarès cette année là. Sa meilleure place sera 4è de la course Toulouse-Bordeaux.

  En 1904, Garin effectue un début de saison plus que discret. Bien qu’inscrit, il ne prend pas le départ de Paris-Roubaix. A 33 ans, se concentre t-il sur le Tour de France ?

  Bien préparé, le héros lensois, est encore le plus fort du peloton dans ce Tour : une étape et le classement général. La rivalité est aussi plus intense, Lucien Pothier, son second et coéquipier à ‘La Française’ n’est qu’à 3 mn 28 sec, le troisième est ‘le petit frère’ César à 1 h 51′.

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   Ce Tour a été l’objet de nombreux incidents dus à la passion naissante pour cette épreuve et au chauvinisme de certains. A Lyon, les coureurs sont attaqués à jets de pierre et gourdins par les ‘supporters’ du champion local André Faure. A Nîmes, le régional F. Payan ayant été disqualifié, la foule inonde la route de milliers de clous ! (Ça ne vous rappelle pas certains faits récents ?). Des bruits courent selon lesquels les dirigeants de ‘La Française’ n’ont pas apporté uniquement une aide matérielle à leurs coureurs (les frères Garin et Pothier) …..

   Le 2 décembre après de multiples réclamations, comme ses trois suivants au classement, Garin est disqualifié par l’Union Vélocipédique de France pour tricherie. C’est donc, Cornet, initialement 5e à près de 3 heures de Garin qui figurera au Palmarès du Tour de France.

   Plusieurs coureurs sont suspendus à vie dont Pothier. Garin écope de deux ans. Cela sonnera la fin de sa carrière malgré une tentative de retour lors d’un Paris-Brest-Paris en 1911 à l’âge de 40 ans (il terminera 10e).

   En 1905, il quitte Lens pour ouvrir un commerce de cycles à Chalons-Sur-Marne mais fait rapidement faillite et revient dans la capitale du Pays Minier où il ouvre au 21 Rue de Lille (rue Lanoy aujourd’hui) un magasin de ‘vélocipèdes et de machines à coudre’. Quelques années plus tard, il est propriétaire d’un garage au 116 Route de Lille qu’il nomme ‘L’Economique’.

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   Victime des bombardements, le garage sera détruit pendant de la Seconde Guerre Mondiale mais l’ex-petit ramoneur le fera reconstruire au même endroit et le tiendra jusqu’à sa mort.

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   Le dimanche 16 août 1908, l’ex-champion est l’organisateur d’une course Douai-Lens-Douai appelée le Grand Prix Garin. Il offre au 1er amateur de la course montant une bicyclette ‘Maurice Garin’.une prime de 30 francs.

   En 1911, les organisateurs de Paris-Roubaix ne l’oublient pas. Le 3 avril, la célèbre course passe par Lens où un point de contrôle est installé au Café des Sports, rue de Lille, un établissement qui appartient également à Maurice Garin. La presse annonce que ce point de contrôle sera ouvert de midi à …. minuit et demi !

  Lors de la première guerre mondiale, il est mobilisé mais cela ne l’empêche pas, bien qu’à cours d’entraînement, de courir quelques épreuves de vétérans comme ‘Le Critérium des Ancètres’ en 1917 sur 50 km autour de Saint Germain en Laye.

   Toujours passionné de cyclisme, il donne le départ du Paris-Brest et retour en 1921 et en 1923, on le retrouve dans la banlieue parisienne pour une course de 100 km appelée :’Les Critérium des Vieilles Gloires’ organisé par le journal ‘l’Echo des Sports’.

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   En 1936, il est aussi au départ de la course Paris-Lens qui sera remportée par Roger Schoon et dont l’arrivée se trouve sur la piste du vélodrome de l’Avenue de Liévin construit quelques années plus tôt sur décision de la Municipalité d’Alfred Maës.

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  L’ ex-petit ramoneur crée après la Seconde Guerre une équipe à son nom qui porte les couleurs rouge et blanche. Le Néerlandais Piet Van Est appartient à cette équipe lorsqu’il remporte les Bordeaux-Paris de 1950 et 1952.

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   En 1953, il est l’invité du Cinquantenaire du Tour de France. Il est à Montgeron pour une reconstitution du départ de 1903. Puis à l’arrivée à Paris où, près un tour d’honneur au Parc des Princes et une série de photos avec le vainqueur de l’année Louison Bobet, Garin signe des autographes où il écrit : ‘Maurice Garin, vainqueur des Tours de France 1903 et 1904′, démontrant ainsi qu’il n’a jamais accepté son déclassement lors de la seconde édition.

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   La fin de vie de Maurice Garin ne semble pas avoir été facile pour lui et ses proches. Est ce suite au décès de son frère en 1951 puis de sa dernière épouse Désirée en 1952 que, selon certaines sources, il serait ‘devenu fou’ et errerait certaines nuits dans les rues de Lens ‘à la recherche du commissaire de course’ ?

   Il meurt à Lens le 19 février 1957 à l’âge de 86 ans. Il est inhumé dans le tombeau familial au cimetière est.

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    Le 31 janvier 1964, lors d’une réunion de Conseil Municipal, la proposition du Député-Maire Ernest Schaffner de donner au stade-vélodrome de l’Avenue Alfred Maës le nom de Maurice Garin est adoptée.

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   Lors du centenaire du Tour de France, en 2003, l’épreuve passe par Arvier, son village natal où un monument en son honneur est érigé et La Poste française émet un timbre de collection le représentant.

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  Beaucoup d’honneurs pour celui qui n’a jamais accepté avoir été sali un certain 2 décembre 1904!

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Publié dans Histoire, Les Hommes, Les Sports | 14 Commentaires »

 

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